Qui pour reprendre les rênes de l’UMP ? Jean-François Copé ? François Fillon ? Si pour l’heure le parti de droite semble embourbé dans des querelles intestines où la lutte des egos a pris le pas sur celle des idées, les militants haut-garonnais ont clairement marqué leur préférence idéologique lors du scrutin du 18 novembre dernier. Ici, il n’est pas tant question de la victoire du député-maire de Meaux en terre toulousaine que des résultats des différentes motions, une première dans l’histoire du mouvement. Décryptage.

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Depuis dix jours, impossible d’échapper au concert « vuvuzelant » umpiste. Copé, puis Fillon, puis re-Copé… le nom du président du mouvement change au rythme des décisions rendues par les différentes instances de contrôle. Chaque camp se renvoie la balle de la fraude, se tire dans les pattes de la responsabilité et se savonne la planche… de salut. La cacophonie est telle, que beaucoup semblent aujourd’hui vouloir appeler Nicolas Sarkozy, notamment après l’échec de la médiation d’Alain Juppé. Souvenir, souvenir d’ « une droite la plus bête du monde ».

Copé sans forcer

Pourtant, lorsque les 170 000 adhérents de l’UMP sont allés glisser leur bulletin dans l’urne ce fameux dimanche 18 novembre, le duel des chefaillons n’était qu’un des trois enjeux de la journée. Les troupes UMP devaient également s’exprimer sur une charte de valeur et sur l’élection de motions.

Verdict en Haute-Garonne : si sans surprise, Jean-François Copé domine le scrutin avec 62 % des suffrages exprimés, le vote n’a pas été aussi tranché concernant les motions. Arrivent en tête la Droite Forte d’inspiration copéiste sans pour autant s’en réclamer ouvertement avec 32 % des voix, suivie de la liste France Moderne et Humaniste (21 %), la Droite Sociale (17 %), puis referment la marche dans l’ordre le Gaullisme (10 %), la Droite Populaire (10 %) et la Boîte à Idées (6 %).

Après les primaires, c’est donc le fonctionnement en motion qu’emprunte l’UMP au PS : « Il faut savoir reconnaître quand nos adversaires ont de bonnes idées, notamment lorsque cela concerne la vie démocratique de notre mouvement » précise Guillaume Brouquières, président des Jeunes Populaires de Haute-Garonne. Soutien du député-maire de Meaux, il ne cache pas son exaspération de voir son parti s’entre-déchirer mais n’allez pas lui parler de la lettre d’Eric Ciotti, directeur de campagne de François Fillon, adressée au Monde dans laquelle il répertorie trois anomalies lors du scrutin local. « On ne peut pas parler de trucage ici en Haute-Garonne. Les bureaux de vote étaient surveillés, à la fin du dépouillement personne n’a fait de réclamation. Alors il est vrai qu’il y a un écart de 21 voix entre le nombres de bulletins et la liste d’émargement, mais la participation était telle qu’un oubli arrive vite  ».

La mécanique des motions

Au niveau du vote des motions, le jeune responsable se réjouit plutôt de la tournure qu’a pris le scrutin : « Souvent j’entends que la fédération 31 serait très à droite, mais il n’en est rien et les résultats d’aujourd’hui le prouvent. On voit clairement que l’électorat est hétérogène et que diverses sensibilités coexistent dans notre famille politique  ». Au point qu’un risque de morcellement est à redouter ? « Qui dit motions, dit possibilité d’exprimer différentes visions, une pluralité de projets, mais cela ne veut en aucun cas dire que l’UMP locale est divisée ».

Cette orientation des voix au profit de la liste Droite Forte, beaucoup de responsables politiques l’attribuent plus à une campagne de communication menée tambour battant par ces jeunes sarkozystes plutôt qu’à une véritable adhésion des militants. Une analyse qu’on évite pourtant de claironner publiquement :  l’affaire Copé-Fillon occupe déjà assez.

Pourquoi avoir attendu 2012 pour prendre le tournant des motions ? Prévu depuis plus de dix ans dans les statuts du parti, c’est Jean-François Copé, soucieux de permettre à tout un chacun de faire entendre sa voix, qui fit le forcing pour l’introduire dès cette année. Pas facile d’imposer cette idée dans une formation politique depuis toujours convertie au présidentialisme et à la logique du « leader naturel ».

C’est pourquoi, pour l’un des responsables de l’UMP31, sous ses façades de rupture, cette mesure est en trompe-l’œil : « Évidemment, les motions via leur poids au bureau national permettront aux différentes sensibilités une meilleure représentation, mais au final leur rôle sera réduit face au président du parti qui imposera une ligne directrice. »

Quel rôle ?

Alors les motions, chambres d’enregistrement ? Caution démocratique ? En tout cas, pour nombres d’élus, elles ont une traduction fiduciaire et électoraliste. Autrement dit, « appartenir à une motion plébiscitée [plus de 10 % des suffrages d’après les statuts sont nécessaires à la constitution en mouvement, ndlr], c’est l’assurance d’avoir d’importants financements et une large représentation dans le bureau politique » explique Guillaume Brouquières. Et tant pis si le débat d’idées passe au second plan.

Reste la question de l’avenir. Comment faire tenir dans un même parti des listes aussi diverses que celles de la Droite Populaire et des Humanistes de Jean-Pierre Raffarin sans que cela ne devienne un immense fourre-tout idéologique ? Plus qu’un facilitateur de parole, cette innovation des motions risque bien de devenir un révélateur de clivage. À l’UMP, le syndrome « grenouilles centristes » guette.

On n’en est certes pas là. D’autant que la crainte d’une balkanisation du parti n’est pas fondée pour l’un des chefs de file de la section locale : « Contrairement aux apparences, la proximité doctrinale des différentes motions est là. Elles sont d’accord sur les grandes lignes, sur les principes fondamentaux et seules quelques divergences de vue existent et se doivent d’être exprimées.  » Des propos à relativiser à la lumière des propositions et prises de position formulées durant la campagne, parfois à contre-courant de la ligne de parti à l’image du programme de la Droite Forte dont la « constitutionnalité » a été questionnée par Nathalie Kosciusko-Morizet. On est loin du « débat revivifié » promis avec la création des motions.

Pour rappel, le Parti socialiste a mis un certain temps à apprivoiser ses différents courants, un luxe dont ne peut bénéficier l’UMP lui qui doit s’acclimater au plus vite à l’exercice de la démocratie représentative interne pour éviter de s’enliser dans une crise structurelle.