Top départ pour la première édition du festival international du film grolandais à Toulouse. Dans un entretien avec « Univers-cités », Benoît Delépine, alias Mickael Kael, co-fondateur du Groland, nous en dit plus sur l’événement. L’auteur et acteur qui interprète le journaliste, sans cesse au mauvais endroit, au mauvais moment, en profite pour revenir sur le succès de l’émission qui souffle cette année, sa vingtième bougie.

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« Univers-cités » : Pourquoi faut-il venir au festival du film grolandais cette semaine ?

Benoît Delépine : Par amour du cinéma ! Franchement, on est assez content de la sélection des films, si on est Grolandais et cinéphile, il y a de quoi se faire plaisir. Parmi la soixantaine de films, il y quelques petits bijoux, à voir ou a revoir. Il faut aussi venir pour rencontrer notre chef d’Etat. Il n’y a pas que le pape, il y a aussi notre cher président !

Le choix de Toulouse est une grande première, la Ville rose est-elle devenue Grolandaise ?

En tout cas elle devient la capitale du Groland pendant une semaine. En fait ce sont les Grolandais qui nous invitent et qui sont à l’initiative. Ce n’est pas un choix qui vient « d’en haut ». Une émission normale ferait de la promotion elle-même, ici c’est la base qui est volontaire et qui s’occupe de l’organisation. Par exemple, le chevalier du Groland, a décidé lui même de porter nos couleurs sur sa moto. Même le festival de Quend était une initiative des Grolandais. Il y a plus d’un an, les Toulousains nous ont proposé de venir et nous avons tout de suite dit oui. Il n’y a qu’une seule salle à Quend et cela coûtait trop d’argent de monter un chapiteau supplémentaire. A Toulouse, cela va être beaucoup de travail mais les cinémas existent, donc c’est moins compliqué à gérer. Moins lourd en tout cas…

Quel sera le moment fort de cette semaine ?

Chaque projection, chaque petit concert, est un moment fort. Après, le moment le plus symbolique sera samedi entre la place du Capitole et la place Salengro, lors du défilé avec notre président. Nous verrons si nous serons nombreux.

Le Groland est désormais un véritable phénomène. Comment cela a t-il commencé?

L’idée de départ était de créer un pays imaginaire, dans lequel il est possible de se moquer de tout ce qu’il se passe dans le monde, d’une façon absurde. Cela date maintenant de plus de vingt-trois ans, avec un pilote réalisé sur nos fonds propres, enregistré avec notre président et ses ministres autour d’une table. Ce pilote avait été rejeté par toutes les chaines françaises (rire…). C’est dans l’émission « Les nouveaux » (1992 sur Canal+) que nous avons fait nos armes, avec un faux journal télévisé écrit par Moustic et moi. Nous avions accepté à condition de le faire avec Groland. La production nous a donné carte blanche. « Les nouveaux » se sont arrêtés. Pas nous.

Les faux JT ont la cote. Entre les Guignols de l’info, avec qui vous avez travaillé, et les plus récents comme Le Petit Journal, comment expliquez-vous le succès de ce format ?

Dans le faux JT il y a un langage référencé que tout le monde connaît. Il est donc facile de faire des parodies. C’est ce qui fait le succès de ce format. D’ailleurs, nous essayons de nous en séparer de plus en plus. L’émission prend peu à peu la forme du magazine, puis elle met l’accent sur internet, et aujourd’hui c’est tout autre chose avec « Made in Groland ». Nous voulons nous éloigner de tout ce qui est politique. Nous en avons beaucoup trop « bouffé » avec les élections… C’est pourquoi nous allons prendre notre pays imaginaire encore plus au sérieux. C’est aussi une évolution vers plus d’autonomie.

Que va devenir le grand reporter Mickeal Kael ?

J’ai envie de faire évoluer ce personnage. Je pense qu’il arrive à bout de souffle, même si ce fut un plaisir de jouer ce journaliste absolument mauvais et malhonnête. D’ailleurs nous venons de réaliser un documentaire, « Banzai », qui sortira le 1er décembre et dans lequel nous interviewons plein de personnes qui se revendiquent comme étant Grolandaises. Parmi elles, il y a notamment Tristane Banon. Un jour elle est tombé sur le passage où Mickael Kael l’interviewait, ou du moins l’actrice qui jouait son rôle. Bien entendu, Mickael essayait de la violer en grommelant des « Allez ! Allez ! ». Bref le gros lourding. Et puis elle m’a confié que c’était exactement ce qui s’était passé en vrai… C’est complètement dingue ! Souvent cela m’est arrivé, en essayant de critiquer et de pousser un peu plus loin le bouchon, de tomber dans le mile et parvenir à une forme de vérité.

Pousser le bouchon toujours plus loin, la recette du succès ?

Le politiquement correct a clairement pris le dessus ces dernières années. Il y a plein de chose que l’on trouve vulgaire, que l’on n’ose pas dire. Tout a été de plus en plus normé. Au Groland, nous arrivons encore à montrer des gens moches, vieux, nus, mais toujours avec une forme de tendresse. C’est ce qui plait. Un petit territoire où l’on peut encore dire « caca prout ». Mais c’est aussi le fait que ce soit imaginaire…