Un tiret noir à la verticale qui clignote. Disparait, réapparait, disparait puis réapparait encore. De manière incessante. Il ne le sait pas, mais je le regarde. Il est à l’image de mon email : à la fois concret quand je l’attrape, mais aussitôt vide quand il n’est plus. Je décide de m’en servir comme d’une marionnette, commençant ma présentation par un pompeux « Cher monsieur ». En réalité, les « cher monsieur », ça ne court plus les lettres. Je reprend donc le tiret noir à la verticale et l’utilise comme d’un bourreau. Le « cher monsieur » est alors effacé. Promptement. Retour à zéro. Une brillante idée transperce alors mon esprit. Mes mains pianotent frénétiquement un timide « Bonjour » suivi d’une jolie virgule, et je sens l’inspiration titiller mon pauvre intellect plongé dans les méandres des bonnes formules ennuyeuses à en mourir.

Tout devient plus clair. Qu’est ce que je suis ? Un étudiant à Sciences Po Toulouse voyons ! Qu’est ce que je cherche ? Un stage ! Pourquoi ? Mais pour être sous payé, faire le café et essayer d’apprendre comment fonctionne la photocopieuse ! Subtilement, je ne place pas cette dernière affirmation, la substituant par le stratégique : « Je possède des capacités qui vous seront utiles ». Mon visage s’illumine de bonheur. Je le sais parce que je le vois dans le reflet de mon écran. Je me regarde, il me regarde, je me regarde, il me regarde. Mes yeux se concentrent alors sur le pâté noir sur blanc et imbuvable que je viens de pondre en 4 minutes et 32 secondes, ponctué avec brio par un « dans l’attente de vos… ». Mes pupilles s’écarquillent et ma pensée fait mine de comprendre ce que je viens de produire.Tout en ayant pris soin de rajouter un « Cordialement », je prend le risque de cliquer sur « Envoyer ». Bref, j’ai expédié ma lettre de motivation.