Bénédicte Guérin est responsable des relations avec les publics du Théâtre National de Toulouse (TNT). Elle a accepté de répondre à nos questions au sujet de la politique du théâtre toulousain envers les jeunes et les étudiants. Un groupe difficile à fidéliser pour l’établissement mais malgré tout présent. Il bénéficie d’une politique tarifaire attractive. Entretien.

tnt.jpgQuelle est l’essence de votre politique envers les jeunes et les étudiants ?

Elle est profondément liée à l’histoire du théâtre. Le TNT est un centre dramatique national. Avant sa naissance, c’était le théâtre Sorano qui avait ce statut. C’est un petit théâtre avec un tout petit plateau qui ne pouvait pas absorber toute la demande. Son équipe a fait avancer l’idée qu’il fallait doter Toulouse, grande ville française et deuxième ville étudiante, d’un théâtre digne de ce nom. C’est pourquoi à sa naissance, le TNT s’est inscrit dans une dynamique d’ouverture au plus grand nombre et notamment à la jeunesse, avec des locaux enfin conséquents. On ne voulait pas d’un lieu qui s’adresse uniquement à un milieu cultivé et aisé mais aussi au milieu associatif, étudiant, de l’enseignement, etc.

Comment se concrétise cette politique envers les jeunes ?

On essaye d’avoir une programmation ouverte. Avec à la fois du répertoire, des textes plus contemporains, des arts du cirque ou de la rue, des textes autour du jeune public. Mais tout ça est sous-tendu par une vraie politique tarifaire très incitative. Depuis la création du théâtre en 1998, le tarif étudiant oscille entre 7 et 9 € pour une place de théâtre. On n’a jamais dépassé la barre des 9 € dans le cadre d’un abonnement où le jeune se fidélise à la saison. Cela fait partie des fondamentaux auxquels on tient beaucoup. La direction, avec Jacques Nichet, et nous au service des relations avec le public. On essaye de traiter de manière différente le milieu étudiant. La maison est imposante, elle parle un peu d’elle-même. C’est pas toujours évident de pousser les portes d’un théâtre. On s’est dit qu’il ne fallait pas que les murs parlent à notre place mais que ce devait être un lieu aussi accessible que possible.

L’image du théâtre cher et élitiste est tenace ?

Oui. On s’invente toujours des bonnes raisons de ne pas venir en se disant souvent en effet que c’est trop cher. Pour les jeunes, ici, une pièce de théâtre est à 8 € et l’abonnement 3 spectacles à 24 €. On ne peut pas nous dire qu’on est trop cher. Cet argument est selon moi irrecevable.

Les étudiants représentent-ils une part importante dans la fréquentation du théâtre ?

Ils oscillent en moyenne entre 1300 et 900 abonnés par an. L’an dernier leur fréquentation s’est un petit peu infléchie. On a donc élargi le tarif préférentiel aux étudiants et aux moins de 26 ans. Avant n’existait que le tarif moins de 26 ans. Mais on peut être étudiant après 26 ans. Cette année on est autour de 1000 abonnés étudiants. Avec les lycéens, les abonnés et le public jeunes représentent environ 30% des abonnements.

Votre action envers les jeunes consiste donc essentiellement en une politique tarifaire avantageuse ?

Oui, essentiellement. C’est le nerf de la guerre. On est aussi présent dans les universités au sein des BDE, ou dans les écoles, en essayant de trouver des relais chez les étudiants pour parler du théâtre et de notre programmation. Au sein du milieu enseignant également.

Et au niveau de la programmation ?

On n’a pas de projet avec le milieu étudiant. On n’accueille pas de troupes étudiantes, on n’impulse pas de projets particuliers autour du théâtre avec les jeunes. Ça changera peut-être avec la nouvelle direction au début de l’année prochaine.

C’est ce que vous souhaitez ?

Le problème est de savoir ce qu’on veut faire. C’est un échange et une relation. Si ça doit se résumer à mettre à disposition des salles, ça ne sert pas à grand chose. Il faut que ce soit quelque chose qu’on pense ensemble.

Vous avez finalement du mal à attirer ce public étudiant ?

C’est vrai que les lycéens sont plus faciles à identifier. Il y a des classes avec des professeurs, c’est carré. La nébuleuse étudiante est plus complexe, c’est normal. Le public étudiant est difficile à capter pour un théâtre. La pratique du théâtre chez les étudiants vient après les autres.

Vous allez continuer cette politique envers les jeunes ?

Je ne vois pas pourquoi on arrêterait cette politique. Je ne crois pas que ce soit l’intention de la future direction. Si le directeur nous dit « j’ai pas envie de faire des efforts envers un public qui a du mal à venir au théâtre », on verra. Mais je ne pense pas que nos prochains directeurs, encore une fois, soient dans cet état d’esprit. Ça serait une erreur. Pour l’instant notre volonté d’une politique incitative envers les étudiants est entendue.

Est-ce rentable de proposer un tarif modéré pour les étudiants ? D’accepter des places avec le Chèque Toulouse Jeunes par exemple ?

Notre objectif n’est pas d’être rentable. Les recettes commerciales représentent 30% de notre budget. Les 70% restants viennent des subventions publiques de l’Etat, de la Région et de la ville, notamment dans le cadre de projet comme les chèques culture. Et ce n’est pas notre mission en tant que Centre Dramatique National.