Son genre est unique à Toulouse : »Aqui se parla Occitan ». Ici, à l’Estanquet de la Portiera, on parle, on mange, on chante et on débat en occitan. « Univers-Cités » a rencontré Remèsi Firmin, le gérant de l’établissement.
La très célèbre happy hour s’engage à peine en ce jeudi soir, quand sont servies les premières tournées dans les bars de la place Saint-Pierre. A quelques pas de ce haut lieu de la vie étudiante toulousaine, Remèsi Firmin ouvre son établissement. Il n’est que 19h30 quand le maître des lieux entame sans ambages la conversation. « Faites attention : ici, vous n’êtes pas dans un bar mais dans un bistrot ! Ici, les gens viennent boire un verre mais ils peuvent aussi déguster quelques petits plats. Je tiens à faire la différence ! »
Et cette particularité n’est pas la plus importante de l’Estanquet de la Portiera, situé sur une placette du cœur de la rue des Blanchers, qui fait la jonction entre la place Saint-Pierre et celle de la Daurade. Car ici, nous sommes dans LE bistrot occitan de la Ville rose. « Occitaniste ! », affine à nouveau le maître des lieux. Qui ajoute avec un sourire que, pour lui, « tous les bars, tous les cafés, tous les restaurants toulousains sont évidemment occitans. »
Mais alors, que mange-t-on dans un bistrot occitaniste ? « De la charcuterie, du fromage, du pan tomate…, répond Remèsi Firmin ; bref, des spécialités occitanes, des produits du pays ». Avec un mode de restauration privilégié : le célèbre tapa, bien connu en Espagne et notamment du côté de Barcelone. Le catalan est d’ailleurs omniprésent dans ce bistrot où son drapeau est accolé à la croix occitane. Les Catalans y sont très présents, lorsqu’ils font une petite escale à Toulouse. « Ils retrouvent ici une identité, une ambiance proche de celle qu’il y a chez eux. Notre culture, nos deux langues sont très proches et, d’ailleurs, Occitans et Catalans n’ont pas vraiment à faire d’efforts pour se comprendre. »
Des « conversos », un apprentissage ludique de la langue
Dans un lieu dont beaucoup apprennent l’existence grâce au bouche-à-oreille, les clients ne parlent cependant pas tous occitan. « Toulouse s’étant largement desoccitanisée, heureusement que ma clientèle est plus large. Il y a de tout à l’Estanquet, y compris des personnes dont l’occitan est la langue maternelle, même si elles sont rares. » Plus régulièrement, des clients souhaitant approfondir la connaissance de l’occitan, viennent échanger avec d’autres locuteurs. « Un mardi sur deux, nous organisons des « conversos » [Ndlr, conversations] avec des gens qui viennent ici pour apprendre la langue, la pratiquer. Ce n’est pas un cours mais un échange, avec un thème de discussion choisi et un animateur qui maîtrise le sujet, et la langue. »
Souvent, les conversos font place à des débats engagés, la politique n’étant jamais très loin lorsqu’on se trouve à l’Estanquet de la Portiera. Remèsis Firmin ne cache d’ailleurs pas le côté militant de son établissement, dont les murs accueillent actuellement une exposition très écolo, et des peintures mettant en relief les dangers du nucléaire.
« Occitanisme ne signifie pas purisme ethnique !»
« La politique fait partie de notre quotidien, je n’ai pas peur du mot partisan », assure-til avant de préciser sa vision de l’occitanisme. « Je tiens à distinguer cette démarche du sens dont voudrait bien l’entendre l’extrême droite qui, d’ailleurs, cherche toujours à tout récupérer. Quand je parle d’identité occitane, je ne veux pas qu’il y ait de malentendu. Elle est par définition multiculturelle, comme le sont toutes les identités. Il n’ y a aucun purisme ethnique derrière tout ça, surtout pas. Ni aucun régionalisme. »
Derrière lui, une carte parcourt d’ailleurs les régions où l’occitan est parlé, du sud de la France jusqu’au Piémont, au nord de l’Italie en passant par le nord du Limousin. Précision est faite. Derrière nous, une cheminée est prête à crépiter. Ce soir, le temps n’est pas au débat politique mais à une scène ouverte, qui devrait faire une large place au jazz et à la musique traditionnelle. Occitane, évidemment.