Depuis 1991, l’Association de la Fondation Etudiante pour la Ville (AFEV) œuvre, en partenariat avec les universités, à créer des passerelles entre étudiants et jeunes isolés ou en difficulté. Manon y est bénévole depuis maintenant cinq ans.

Manon a 22 ans. Elle étudie à Sciences Po mais là où elle se sent le mieux, c’est auprès des enfants, qui le lui rendent bien. D’abord animatrice pour les vacances en centre de loisirs, elle est partie en Inde il y a deux ans apporter sa petite pierre à l’édifice de l’orphelinat de Sattankulam, dans le Tamil Nadu. A son retour à Sciences Po, elle a choisi le master Politique, discrimination et genre. Il n’y a pas de hasard.

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« Au CADA, ce sont les enfants les interlocuteurs »

Depuis cinq ans, elle est aussi bénévole à l’AFEV, dans le dispositif d’accompagnement à la scolarité. Deux heures par semaine, elle se rendait à la salle du quartier Arnaud-Bernard pour y proposer une aide aux devoirs à une collégienne. Mais l’année dernière, l’association lui a proposé un peu de changement.

C’est comme ça qu’elle s’est retrouvée, un soir de septembre, au CADA du quartier des Pradettes. Le CADA, c’est le centre d’accueil des demandeurs d’asile, là où les personnes nouvellement arrivées en France attendent que leur demande de statut de réfugié soit étudiée. Ce que Manon a vu en arrivant lui a fait une drôle d’impression. « L’AFEV prend en charge six familles, Bengalis, Arméniennes ou Kosovardes ». Ca fait neuf enfants, de l’école primaire au lycée.

« J’ai tout de suite été frappée par les disparités de maîtrise de la langue entre parents et enfants ». C’est pour ça que ce sont eux, les enfants, qui sont les interlocuteurs premiers de l’association. « Le plus impressionnant lors de la première visite, ce sont les conditions de vie et d’apprentissage des enfants. Dans un T1 pour toute la famille, les enfants n’ont aucun espace de travail calme et individuel ».

Alors l’AFEV travaille tous les jours à offrir un moment de travail personnalisé et serein à ces enfants, pour l’égalité des chances.

« Rafael est fort en tout, surtout en calcul mental »

Depuis, deux heures par semaine, Manon intervient auprès de Rafael, neuf ans. « Je l’aide à faire ses leçons, même si souvent, il n’a pas besoin de moi ». C’est qu’il est fort en tout, Rafael, surtout en calcul mental. « Alors on parle, surtout de l’école et de ses copains ».

Sa mère, son petit frère et lui sont arrivés il y a deux ans, sans parler un mot de français. Rafael a d’abord passé un an en CLIN, ces classes d’initiation mises en place pour les enfants nouvellement arrivés en France. Et puis, il a vite rattrapé le niveau et a intégré une classe de CM1 « normale ».

Rafael s’est adapté à la vie en France, il aime le foot et les cartes Pokémon. C’est surtout sa maman qui parle à Manon de l’Arménie, avec parfois un gros pincement. « Elle est soulagée d’être là, « pour ses garçons », comme elle dit, même si c’est dur parfois ». Dur de vivre dans ce petit logement, dur de ne pas parler français, de ne pas travailler. « Dur d’attendre, surtout. Mais elle positive, elle est sûre qu’ici, la vie sera meilleure ».

En février, la maman de Rafael a obtenu sa demande de statut de réfugié. Ils ont obtenu un logement plus grand, en centre ville. Maintenant, Rafael a une chambre où il peut ranger ses cartes Pokémon et faire du calcul mental. Manon continue à leur rendre visite, parfois même seulement pour dîner, sans parler d’école ou de travail. Simplement pour discuter.