Depuis septembre 2010, Alaeddine Ghedamsi, étudiant tunisien suit des cours à l’Université Toulouse 1-Capitole. En décembre, il décide de repartir au pays pour passer ses vacances, des vacances hors du commun puisqu’il se retrouve au cœur de la Révolution du Jasmin. Mais ce qui a le plus marqué ce jeune Tunisien, ce sont les événements qui ont suivi le départ de Ben Ali.
Après un mois de violentes contestations, le président Ben Ali quitte le pays le 14 janvier. Pour Alaeddine Ghedamsi, ce départ représente un grand soulagement mêlé d’incertitudes : « J’avais peur du lendemain. J’étais content que Ben Ali quitte le pouvoir et avec lui toute la mafia qui l’entourait mais ce qui me préoccupait le plus, c’était le vide politique qui allait s’en suivre. Je me suis demandé : qu’est-ce qui va se passer ? »
Si une page historique venait de se tourner, une autre allait bientôt s’écrire : celle de l’après-révolution. La nuit du 14 janvier, des soldats de la milice de Ben Ali sèment la terreur dans les rues de Tunis. « Ils étaient déguisés en civil, conduisaient des voitures de location et tiraient sur les gens au hasard », explique Alaeddine Ghedamsi. « Ils voulaient nous faire peur et nous donner envie de rappeler Ben Ali au pouvoir », ajoute l’étudiant. Face à cette mise en scène orchestrée par le clan Ben Ali, les Tunisiens ne cèdent pas et font preuve d’une grande solidarité les uns envers les autres.
« Nous vivions réellement dans la peur »
« Pour faire face à la milice les gens se sont organisés dans les quartiers », raconte le jeune Tunisien. De 18h à 5h du matin, les habitants se relayaient pour protéger leurs familles, assis autour d’un feu, guettant le moindre mouvement anormal autour de leurs maisons. « Cela a duré deux semaines, il y avait des coups de feu toute la nuit, nous vivions réellement dans la peur, surtout le jour où on a braqué une arme directement sur moi. » Malgré la peur, Alaeddine Ghedamsi est déterminé et continue à se battre contre la milice : « Tu sais, quand des gens attaquent ton quartier, ta famille, tu n’as plus le choix. Et quitte à mourir, autant que se soit pour protéger les tiens ».
Mais dans cette guerre des quartiers, le peuple n’est pas seul, l’armée joue également un rôle déterminant. Circulant dans leurs voitures militaires, les soldats encouragent les habitants et tâchent de les prévenir dès que la milice compte attaquer un quartier.
Un moment historique
Depuis, Alaeddine Ghedamsi est revenu en France avec l’impression d’avoir vécu un véritable moment historique : « Finalement, j’ai eu la chance d’être rentré en Tunisie à ce moment là et d’avoir vécu cette révolution du peuple et pour le peuple ! », s’exclame l’étudiant.
Pour l’heure, Alaeddine Ghedamsi est impatient de vivre les premières élections démocratiques de la Tunisie, même s’il émet quelques doutes sur leur organisation : « Les partis politiques ne sont pas encore prêts tout comme le peuple qui ne sait pas réellement encore ce qu’est une démocratie ».
Mais l’étudiant de 27 ans est confiant et pense que ce ne sera qu’une question de temps : « Le peuple tunisien est mûr et cultivé, il apprendra vite ». Pour ce jeune homme, la seule ombre au tableau, c’est la « peur islamiste ». « Le fait que Ben Ali soit parti pourrait représenter une occasion pour les islamistes de revenir », confie-t-il. « Il est donc important d’aider les partis à se renforcer et je compte bien travailler à leur côté en m’engageant dans un parti dès mon retour ».