Carton plein pour le catch à Toulouse. Lors de sa tournée européenne, la World Wrestling Entertainment (WWE), principale fédération américaine, a fait une halte dans la ville Rose le 19 avril dernier. Devant plus de 3 500 spectateurs réunis au Zénith, les gladiateurs des temps modernes ont pu s’en donner à cœur joie. Au programme : de la sueur, des larmes de joie et quelques beaux souvenirs.

Le catch, une passion française ? Depuis son retour en force sur nos tubes cathodiques en 2007, il n’en finit plus de faire parler et inonde désormais les canaux de diffusion. Pourtant chez les fans, le pessimisme est palpable. La faute au récent choix de la chaîne NT1 de rétrograder leur sport favori en 3e partie de soirée. Une décision qui pour certains annonce la mort du catch dans l’Hexagone. Bref, le climat n’est pas au beau fixe lorsque la WWE pose ses bagages à Toulouse.

07_TOULOUSE_0420_0423.jpg
© Tous droits réservés à WWE.com

Ambiance, ambiance

Cette ambiance morose n’a pour autant pas empêché les aficionados du saut de l’ange de se déplacer pour voir leurs héros. Déjà forte d’une quarantaine de représentations sur le sol national en moins de cinq ans, la compagnie majeure est une habituée du pays du Bourreau de Béthune, mais qu’importe, les passionnés répondent toujours présents. Et viennent souvent de loin, comme cet Avignonais rencontré par hasard aux abords du Zénith : « C’est la septième fois que je vais à un show de la WWE. J’habite dans le Sud mais je n’hésite pas à aller dans toute la France pour voir les catcheurs. Ça fait quinze ans que je suis fan et c’est la première fois que le public français peut assister à autant de shows dans l’année : on est gâtés. » Gâtés et même choyés, car un spectacle de la WWE vaut son pesant d’or. La compagnie leader n’a, en effet, pas son pareil lorsqu’il s’agit d’investir un lieux et d’y créer l’espace d’une soirée un moment unique à mi-chemin entre le sport et le divertissement.

Jeudi 19 avril donc, rien n’a été laissé au hasard : réservation de la salle de sport pour que les catcheurs puissent s’entraîner ; présence des heures à l’avance des techniciens pour s’assurer de la bonne marche du show à venir ; interviews à la chaîne effectuées par les commentateurs vedettes français (Christophe Agius et Philippe Chéreau) ; mise en place des stands de merchandising ; annonce des prochaines dates de la venue de la WWE en France… Le catch version américain est bien loin des souvenirs de la lutte cocorico des années 1950 : finies l’ambiance franchouillarde et l’organisation sur le pouce, place désormais à une machine bien huilée comme l’Amérique en compte tant. Mais ça plaît !

20 heures, les lumières baissent. La clameur du public suit. « Bienvenue à WrestleMania Revenge Tour pour voir les catcheurs de Raw [[La WWE possède un effectif de catcheurs partagé entre deux divisions : Raw et SmackDown.]] » embraye Justin Roberts, ring announcer de la WWE, sans prendre la peine de s’adapter à l’idiome local. Or ce soir, la barrière de la langue n’existe pas. Petits et grands, tous connaissent par cœur les annonces, les promos et autres prises aux noms intraduisibles, au point d’ailleurs que les pancartes et chants qui rythmeront la soirée seront eux aussi exprimés dans la langue de Shakespeare. Visiblement, la mondialisation n’épargne pas les rings.

Catch-toi de là

Le show débute enfin, et on sent la faveur dans les travées. Certains attendent ce moment depuis plusieurs mois, d’autres sont juste curieux de voir le phénomène de mode prendre corps. Car, entre les fans de la première heure, les adeptes venus sur le tard, et les non convertis, la foule brille par sa diversité : « Au boulot, on m’en parle souvent. J’ai donc décidé d’y aller avec des amis car je suis curieuse de voir un show en live. En tout cas, ça a l’air impressionnant  » s’enflamme Jessica, apparemment déjà conquise comme l’atteste le t-shirt de catch qu’elle arbore fièrement.

Impressionnant donc ? Des entrées hollywoodiennes des lutteurs sur fond de musique entraînante et d’effets pyrotechniques, aux provocations d’avant-match dignes des westerns d’antan, en passant par les combats au rythme effréné, les guerriers des rings ne ménagent pas leur peine. Il faut dire qu’au prix de la place (entre 25 et 90 euros), les attentes des spectateurs sont énormes. Alors, comme on dit au catch : « Let’s get ready to rumble [[« En avant pour la bagarre »]] »

23_TOULOUSE_0420_1135.jpg
© Jack Swagger, adversaire de Santino Marella, qui a subi les foudres du public.

Durant deux heures et demi, les duels entre lutteurs vont s’enchaîner. En solo, en équipe ou avec l’aide – non légale – d’un allié, à chaque match, sa logique. Mais c’est à l’heure de jeu que le show prend réellement son envol. Une fois que les catcheurs « chair à canon » laissent la place aux champions et à ceux qui trustent le haut du panier. Santino Marella, Italien et détenteur de la ceinture… des États-Unis est le premier à mettre le feu aux poudres. Micro en main, le Milan Miracle comme il se surnomme, a sa recette pour se mettre le public dans la poche avant le combat : « Vous savez, je suis un peu Français moi aussi, car mon grand-père est né ici » confesse-t-il dans un français approximatif. De quoi s’attirer les faveurs de la foule. En revanche, son adversaire n’aura pas autant de chance, lui qui n’essuie que mépris et noms d’oiseaux en provenance des gradins irrités par les facéties du grand gaillard. Au final, c’est sans surprise que le champion sauve sa couronne, non sans avoir dû batailler face à des tricheries éhontées de la part de son assaillant. C’est ça le catch : qu’importe la manière, seul le résultat compte.

La crème de la crème

Avec trois cents soirs de tournée par an à travers le monde pour une centaine d’émissions-spectacle diffusées, le risque de voir les catcheurs s’économiser lors des house shows [[Shows non télévisés]], comme ici à Toulouse, est grand. Or il n’en a rien été. C’est même tout l’inverse. Mettant entre parenthèses leurs rivalités télévisées, les Superstars de la WWE[[ Terme officiel utilisé par la WWE pour appeler ses catcheurs.]] peuvent se laisser aller à l’art de la savate et du pugilat en toute quiétude. Untel se risque à une prise inhabituelle, un autre défie plus fort que soi, c’est la soirée de tous les possibles. À l’image du Miz, catcheur à grande bouche et pétochard comme pas deux qui s’en prend à John Cena, tête de proue de la WWE et défenseur de la veuve et de l’orphelin.

37_TOULOUSE_0420_0936.jpg
© John Cena administre sa prise de finition sur The Miz.

Si elle n’est pas le main event [[Dernier match de la soirée, souvent le duel le plus attendu par les fans.]] de la soirée, cette confrontation entre ces deux anciens champions n’en reste pas moins attendue par tout le public. Aussi, lorsque le Miz débarque avec ses gros sabots, les sifflets fusent. Tous le savent : avec un micro, la forte tête dégaine à tout-va. Insultes, taillages de costard, vannes anti-Français, l’Américain sort l’artillerie lourde pour se faire détester et pousse même la provocation à conclure son discours infâme d’un tonitruant : « Fermez la bouche ». Bronca assurée.

Heureusement, le héros de la soirée, – ce que laissent entendre les confettis verts qui cannibalisent la tribune comme autant de t-shirts à la gloire de l’athlète –, vient mettre un terme au massacre verbal. Aux mots, il préfère les gnons. Et en à peine quinze minutes, file une bonne raclée au gouailleur, histoire de lui couper le sifflet pour de bon. La correction est sévère et ne laisse pas indifférent le Zénith : « Je ne pensais pas que les catcheurs étaient aussi sportifs, mais c’est vrai que voir des durs à cuir de plus de cent kilos comme John Cena courir dans tous les sens, enchaîner les prises et les soumissions à la vitesse grand V, ça laisse rêveur » confesse Jérémy pour sa première expérience en live, qui l’assure-t-il, ne sera pas la dernière.

S’ensuit le dernier duel de la soirée où à l’écoute du public, l’organisation américaine met en place un match de championnat mondial à la stipulation abracadabrantesque : No Holds Barred. Kesako ? Aucune prise interdite. Traduction, les deux athlètes peuvent utiliser tout ce qu’ils ont sous la main : kendo stick, chaise, cloche, poubelle… autant dire que le final promet.

CM Punk, Champion de la fédération et chouchou de la foule
© CM Punk, Champion de la fédération et chouchou de la foule.

Vingt minutes plus tard, le public toulousain exulte, le champion, son champion, CM Punk, catcheur straight edge [[Mouvance punk qui prône un style de vie en dehors de toute consommation d’alcool, de drogue et de tabac.]] à la popularité et au charisme incontestable renvoie Chris Jericho dans les choux après lui avoir martyrisé la tête à coups de chaise métallique. Le bras levé, la ceinture WWE à la main et le drapeau tricolore chevillé au corps, le vainqueur du soir s’en va. Les lumières se rallument. Pas le temps pour une séance d’autographe ni une session photos, les héros du Zénith prennent le car illico, direction la capitale pour une nouvelle nuit de folie. The show must go on

©Tous droits réservés à WWE.com