Sorti il y a quelques semaines, le dernier opus de l’écrivain et journaliste toulousain, Jean-Paul Dubois, ne peut laisser indifférent. « Les accommodements raisonnables », à commencer par ce titre atypique, poussent à regarder toute cette partie du monde oubliée des projecteurs.
« Ce que j’aime bien, c’est raconter des hommes dans une famille d’abord, mais aussi dans un travail, dans une époque, dans un pays et dans les éléments de sa politique… ; pour y voir une mécanique sociologique », confie Jean-Paul Dubois à ses lecteurs toulousains lors d’une rencontre à la Fnac Wilson de Toulouse.
Et c’est bien là tout l’objet de son livre, Les Accommodements raisonnables [[éditions de l’Oliver]] : réfléchir, à partir d’une famille toulousaine plongée dans la dernière campagne présidentielle, sur la société qui nous entoure. Tout commence avec une scène fellinienne : des funérailles pour le moins originales, auxquelles personne ne porte de véritable intérêt. Pour couronner le tout, rien ne se passe comme prévu. Part en flamme un homme dont le frère rejette tout : la richesse, l’immoralité, l’athéisme et cette manière qu’il avait de croquer la vie à pleines dents. Et puis il y a Paul, le neveu du défunt : il balance entre une femme qui le « quitte », prise dans une dépression qui semble sans fin et cette offre de travail qui lui est faite, à Hollywood, l’industrie du rêve !
Le lecteur devient alors spectateur d’un film familial de douze mois, raconté par Paul Stern, scénariste français envoyé à (ou fuyant vers?) Hollywood, avec l’excuse d’obligations professionnelles. L’industrie du rêve représente la métaphore d’un monde dont l’auteur nous invite à être les critiques.
Où commence la fiction ? Où se termine le réel ?
Jean-Paul Dubois répond que la France connait depuis peu une période « de changements sociologiques et psychologiques », mélangeant le réel à la fiction. D’où l’intérêt de l’étudier, même avec un décalage horaire de neuf heures. Car, en suivant le scénariste expédié aux États-Unis, le lecteur prend conscience peu à peu des travers de la « fabrique des rêves », y compris du célèbre « rêve américain ». La comparaison industrielle n’est pas anodine : « On retrouve à Hollywood les mêmes rapports sociaux que dans une usine Renault. Le processus de fabrication d’un film est celui d’une industrie classique ». L’écrivain, qui s’inspire de ses propres expériences, ajoute que les prix littéraires [[sujet qui sera traité dans notre édition du 31 octobre 2008]] s’approchent de ce monde fictif ancré dans la réalité : « Des gens vous adorent. Vous changez de catégorie. Vous devenez un personnage de fiction ».
La critique ne s’arrête pas là. Cette industrie, cruelle, demande des salariés du cinéma parfaits, d’où le recours « banal » à la chirurgie plastique, ou d’autres remèdes à la mode. Autour d’Hollywood, ce sont aussi toutes ces personnes de plus de 60 ans qui exercent une ou deux professions pour subvenir à leur besoins vitaux. « Une société violente avec cette catégorie de la population qui n’a plus d’utilité fonctionnelle », dénonce Dubois.
De l’autre côté de l’Atlantique est-ce vraiment mieux ? L’ancienne génération a « une urgence de vivre » selon les propos de l’auteur ; ce qui l’amène parfois à des excès.
Enfin, il y a les « wet backs », ces immigrés dont la condition demeure celle de dominés dans une société qui peine à les intégrer. Les Etats-Unis ne sont malheureusement pas un cas isolé. La France produit un schéma similaire et devrait peut-être s’inspirer de ces accommodements raisonnables. [[Il s’agit d’une jurisprudence canadienne applicable au monde du travail, qui consiste à contrer une norme lorsqu’elle crée une discrimination.]] Dans le livre, il s’agit de « changer son point de vue, de s’intéresser à l’autre », pour mieux grandir, explique Jean-Paul Dubois.
-*Une vie française, autre ouvrage de Jean-Paul Dubois, devrait être adapté au cinéma en deux films.