« Prendre en compte la population existante », la formule a bien fait rire les 300 juristes présents samedi dernier à la manifestation rue du Languedoc à Toulouse. La CGT et plusieurs barreaux midi-pyrénéens se sont associés pour protester contre la réforme de la carte judiciaire. En début d’après-midi, la garde des sceaux, Rachida Dati, s’est rendue à la Cour d’appel pour présenter, sur le terrain, le nouveau visage de la carte judiciaire en Midi-Pyrénées.

attila.jpgLe tribunal de grande instance et le tribunal de commerce de Saint-Gaudens, ainsi que cinq tribunaux d’instance vont être supprimés dans la région d’ici 2010. Ce qui gêne le plus les professionnels du droit, ce n’est pas tant la réforme en elle-même que leur mise à l’écart dans le débat. « La ministre est arrivée à 14h. À 14h30, elle l’a annoncée comme un couperet, sans autre possibilité pour tous les acteurs judiciaires d’avoir un dialogue sur cette réforme », s’insurge Me Brunet-Ducoz, avocate au barreau de Toulouse. Quant au conseil de Prud’hommes de Saint-Gaudens, il faudra attendre les résultats des prochaines élections prud’homales, fin 2008, pour connaître son sort. Les syndicalistes craignent qu’une victoire de la CGT entraîne la disparition du conseil. Enchaînant les déplacements dans toute la France, Rachida Dati impose son style tatchérien : elle propose et dispose.

Éviter un second Outreau

manif_robes.jpgÀ l’heure où 66% des Français considèrent que la justice est lente et inefficace, Rachida Dati veut rompre avec cette image d’une justice poussiéreuse. En alignant la carte judiciaire sur la carte administrative, la garde des sceaux entend simplifier l’organisation des institutions et ainsi améliorer leur efficacité.
Efficacité dans le jugement, mais également dans l’instruction, afin d’éviter un nouvel « Outreau ». Les pouvoirs publics souhaitent rendre l’instruction collégiale. Le regroupement des juridictions hors classe, c’est-à-dire les tribunaux ayant trois chambres ou moins, permettrait d’avoir toujours trois juges d’instruction au minimum sur chaque affaire. Le justiciable serait mieux jugé et à moindres frais.

Les futurs juristes tout aussi concernés

Fermer des juridictions de proximité dans le but de rapprocher la Justice du justiciable, l’idée peut sembler paradoxale et dangereuse. « On touche au cœur même de la présence de l’État sur le territoire et Fillon dit bien qu’il faudra s’habituer à moins de service, moins de personnel et moins d’État, déplore Jean François Tortajada, membre à l’Union Départementale de la CGT Haute-Garonne, on a tout à craindre d’une justice à deux vitesses plutôt expéditive ». Les étudiants de droit et de Sciences Po ne sont pas en reste. Pour Benjamin Kubler, président de la corpo de droit de l’UT1, « la suppression des tribunaux s’inscrit dans le même mouvement de disparition des services publics, au même titre que les hôpitaux et La Poste ».
_ Cependant, cette réforme n’a pas fait de remous dans le milieu estudiantin. Elle a été éclipsée par le mouvement contre la loi Libertés et responsabilités des universités. Pourtant ces étudiants figurent parmi les premiers concernés, « il est plus difficile de faire sa place quand il y a déjà mille confrères ou plus, que de pouvoir s’expatrier sur des juridictions de proximité où il y a moins de monde », explique Me Brunet-Ducoz.

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La carte judiciaire et ses 1 120 juridictions date du début du XIXème siècle. Réorganisée plusieurs fois depuis, la dernière mise à jour de cette carte remonte à 1958. En 1998, afin de mieux correspondre à la réalité démographique et économique française, le grand chantier de la réforme de la carte judiciaire a été entrepris par Elisabeth Guigou, alors elle-même, garde des sceaux. Encouragée par un rapport de Patrick Devedjian qui prône la refonte de cette carte, Rachida Dati, ministre de la Justice depuis le 18 mai dernier, a repris le projet en main.

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