A l’occasion de son 150ème anniversaire, le Muséum d’histoire naturelle de Toulouse propose une nouvelle exposition, Les Savanturiers, qui retrace l’histoire des collections du musée. Francis Duranthon, son directeur, nous en raconte des épisodes marquants.
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Créé en 1865, le muséum de Toulouse, longtemps à l’avant-garde scientifique, est le fruit d’une histoire longue pleine de rebondissements et d’anecdotes. A l’occasion de la conférence “Petites et grande histoires” pour les Jeudis du Muséum, Francis Duranthon revient sur la génèse du musée et ce qui en fait sa particularité.

Une lutte sans merci pour la création du musée

Le premier Muséum d’histoire naturelle est fondé à Paris en 1793. “A la Révolution, explique Francis Duranthon, la France connaît un engouement pour les musées et la connaissance”. Le naturaliste français Georges-Louis Leclerc de Buffon invente le concept d’espèce perdue, après la découverte d’os d’éléphants en Amérique du Nord, alors disparus.

A Toulouse le même enthousiasme émerge. Le naturaliste Picot de Lapeyrouse installe ses collections dans les actuels locaux du muséum. C’était à cette époque un monastère, appartenant à l’Etat.
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Devenu maire de Toulouse, Picot de Lapeyrouse fonde la première Ecole spéciale des Sciences et des Arts de France, en lieu et place du musée. Elle devient ensuite la Faculté des sciences. En 1808, Napoléon offre à la ville le monastère alors propriété de l’Etat pour y créer le muséum. Picot y présente alors des collections de fossiles.

Cependant, il meurt en 1818 et le projet de musée s’arrête. Une lutte s’engage alors entre la faculté et la ville de Toulouse pour l’utilisation du bâtiment.

Les collections du futur muséum s’agrandissent grâce à Gaston de Roquemaurel, grand aventurier toulousain qui fit partie de la première expédition en Antarctique en 1840. Il y expose les premiers cailloux ramenés de ce continent polaire. Avec ces collections uniques, Édouard Filhol, professeur à l’école de médecine située dans le bâtiment de l’actuel musée, crée le muséum en 1865.

A la découverte de la préhistoire

Edouard Filhol dote le musée d’une galerie des cavernes, ce qui est une première. La préhistoire est alors une discipline émergente. “L’académie de Toulouse est le creuset scientifique sur les espèces fossiles”, raconte Francis Duranthon.

En 1827, le Baron Cuvier fonde la paléontologie des vertébrés. Mais à l’époque, on ne croit pas à l’évolution. Il pense que Dieu a créé des mondes successifs, disparus ensuite sous le Déluge, jusqu’à parvenir au notre. Cette succession expliquerait les différentes couches de fossiles.

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Pourtant, un autre préhistorien, Jacques Boucher de Perthes, fait des fouilles dans la vallée de la Somme et ce qu’il y découvre rompt avec les théories scientifiques de l’époque : des squelettes humains, contemporains d’espèces disparues.
Edouard Lartet, paléontologue gersois, continue la révolution. Il trouve le premier os de primate fossilisé au monde, une mâchoire de grand singe, en 1836 à Sansan, dans le Gers. En Dordogne, dans la grotte de la Madeleine, c’est un morceau d’ivoire de mammouth gravé qu’il déniche : ce sera la preuve incontestable de l’existence de l’homme préhistorique.

L’homme a donc vécu avant le Déluge, le Baron Cuvier a tord. Le muséum de Toulouse devient le premier au monde à consacrer une salle aux fossiles et à la préhistoire.

Anecdotes et animaux emblématiques

Le muséum est aussi connu des Toulousains pour ses animaux emblématiques.

En premier lieu, la girafe d’Abyssinie. Elle arrive à Toulouse en 1843 dans une ménagerie itinérante. La population est en effervescence devant cet animal inconnu, mais elle meurt après à peine deux mois dans la ville rose. Le maire de Toulouse l’achète alors et la confie à Henry Traverse, taxidermiste toulousain, qui la reconstitue. On la place au musée des Augustins ; car a l’époque c’est le seul musée de la ville. Elle entrera au muséum dès sa création en 1865. Restaurée par la suite, la girafe est toujours exposée dans la bibliothèque du muséum : “c’est notre spécimen identitaire”, explique Francis Duranthon.

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Il en est de même pour l’éléphant d’Asie qui trône dans le hall d’entrée, Punch. Il appartenait au cirque Pinder, qui avait l’habitude de passer l’hiver près de Montauban. Le dresseur d’éléphant d’alors, déçu par les infidélités de sa femme, quitta le cirque pour retourner en Angleterre, abandonnant le pachyderme. L’éléphant devint incontrôlable et Pinder finit par le faire fusiller.
Le cirque donna ensuite sa dépouille au muséum en 1907. Philippe Lacomme, nouveau naturaliste, inventa une nouvelle technique pour le conserver : sur une carcasse en bois et en liège, il recousu la peau de l’animal. L’éléphant est alors beaucoup plus léger et peut même être démonté ! Il utilisa cette technique pour les bisons d’Ariège, également présentés au muséum.

Restauration récente

Malgré des collections de plus en plus nombreuses, le muséum doit en 1964 faire de la place au théâtre Sorano. En 1997, une poutre de la charpente datant de 1623 cède. C’est le début de travaux de restauration qui vont durer dix ans. Toutes les collections sont alors déménagées dans des entrepôts aux Minimes et le bâtiment est entièrement rénové.

Rouvert au public en janvier 2008, le muséum fête cette année ses 150 ans. Son histoire fascinante est retracée dans la nouvelle exposition temporaire, où vous retrouverez jusqu’en juin 2016 tous les legs de ces grands scientifiques aventuriers qui font toute la singularité du muséum de Toulouse.