Après cette nouvelle victoire des Experts en Coupe du Monde, doit-on s’attendre à une incidence sur le handball français ? Le phénomène est plus complexe qu’on ne le laisse entendre.

handball_2011.jpg

Dix titres en vingt ans : l’Equipe de France de handball n’en est pas à sa première victoire. Dimanche 1er février, les « Experts » ont accroché une 5ème étoile au maillot. La première était en 1995. Cette fois, ce sont 9,1 millions de personnes qui ont suivi la finale contre le Qatar sur TF1. Et, à la fin de la compétition, la même question : quelles seront les retombées de cette nouvelle victoire ? En plus des conséquences économiques et médiatiques, l’attrait des Français pour le handball pourrait lui aussi évoluer.

[(Les titres de l’Equipe de France de handball :
Champions olympiques : 2008, 2012
Champions du Monde : 1995, 2001, 2009, 2011, 2015
Champions d’Europe : 2006, 2010, 2014)]

L’évolution annuelle du nombre de licenciés de la Fédération Française de Handball (FFHB) est-elle plus importante après une victoire de son équipe nationale ? Ce fut le cas dans d’autres sports, comme le football. En 2007, après l’accession en finale des Bleus en Coupe du Monde un an plus tôt, la Fédération Française de Football a enregistré une augmentation de 8,25% du nombre de licenciés, contre une diminution de 0,86% l’année précédente – et ce malgré une défaite. Pourtant, la tendance n’est pas à généraliser : ce phénomène ne dépend pas seulement de l’attrait d’un sport, notamment pour ceux qui ne sont pas aussi médiatisés que le football.

« Il y a eu un afflux que nous n’avons pas su contenir »

Michaël Boutines est le Président de la ligue de handball Midi-Pyrénées. Pour lui, si ces victoires sont importantes pour l’attrait et l’importance du handball, elles ne sont pas le seul critère à prendre en compte. Retour en 1995, pour le premier titre mondial de l’Equipe de France. A l’époque, la victoire est peu médiatisée, et l’impact sur les clubs est assez faible. C’est après le second titre de 2001 que tout s’enchaine. « En 2002, il y a eu un afflux que nous n’avons pas su contenir. Les structures n’étaient pas assez nombreuses. » Et puis, les gens sont repartis.

« De 2002 à 2007, la fédération et les comités ont assisté la création de clubs et de structures. » On passe alors de 60 clubs en Midi-Pyrénées en 2001, à 104 six ans plus tard. Un an après, en 2008, les Experts (connus, avant cette année, sous le nom des « Costauds ») sont champions olympiques. Ils remportent ensuite un titre par an, à l’exception de 2013.

« Les Jeux Olympiques sont plus médiatisés »

Tous les chiffres sont issus du site de la Ligue de Handball Midi-Pyrénées, et ne tiennent pas compte des licences événementielles, attribuées aux pratiquants qui participent à une ou plusieurs manifestations organisées par un club affilié, un comité départemental ou une ligue régionale (FFHB). C’est l’exemple des événements organisés pour les écoles.

Depuis, les structures sont plus importantes, et la ligue de handball Midi-Pyrénées connaît une évolution « continue » de son nombre de licenciés, et a « la possibilité d’absorber ». En 2013, l’augmentation n’est pourtant que de 1,55%, contre 13,91% l’année précédente. Une explication du côté des titres ? En 2012, l’Equipe de France perd son titre européen lors d’un Euro en Serbie raté, puisque les Experts ne jouent même pas les matchs de classement. Pourtant, la même année, elle remporte la médaille olympique aux Jeux de Londres, et conserve son titre de 2008.

« 50% des salles ont plus de 30 ans »

D’autant plus que pour Michaël Boutines, les Jeux Olympiques sont plus à même d’influencer le nombre de licenciés que l’Euro ou la Coupe du Monde. « Les JO sont plus médiatisés, et l’ensemble du parcours de l’Equipe de France est diffusé » sur une chaine disponible par tous. Cette année, TF1 ne devait diffuser que la demi-finale et la finale, en cas de qualification des Bleus. De plus, le calendrier des JO est suivi de la rentrée scolaire. « Le Mondial se déroule en décembre ou janvier, quand les gens ont déjà fait leur choix de sport et leurs inscriptions ».

Cap sur l’avenir

Il est encore tôt pour tirer les conclusions de ce cinquième titre mondial. Ces deux dernières années, l’augmentation du nombre de licenciés est moins importante, « nous sommes passés sous la barre des quatre chiffres ». Entre la rentrée 2012 et celle de 2013, il n’y a que 214 licenciés supplémentaires. « Cette victoire pourrait nous faire repasser au dessus de 1000 nouveaux licenciés par an », mais il n’y aura sûrement pas de boom des joueurs de handball en Midi-Pyrénées.

Difficile donc de mettre en avant un lien direct entre les victoires des Bleus et le nombre de licenciés. Aujourd’hui, il y a deux enjeux décisifs auxquels la FFHB et les ligues régionales doivent répondre : « Les clubs sont à saturation, il faut trouver des salles. 50% des salles que nous avons ont plus de 30 ans. Enfin, il y a un vrai potentiel sur la question de l’évolution démographique, notamment en milieu rural ».

Vient aussi la question du Mondial 2017, organisé en France. « Il n’y aura pas de site à Toulouse, car le Palais des Sports est trop petit » – autour de 4000 places. « Montpellier sera la zone de jeu la plus proche. » Pour autant, ce n’est pas une raison pour zapper le Mondial à Toulouse. La ligue de handball prévoit déjà d’organiser plusieurs événements pour cette occasion, afin de profiter de l’aura d’une telle organisation. Les chiffres de 2018 s’en ressentiront sûrement. D’ici là, les Experts auront sûrement ajouté un titre à leur palmarès, déjà bien rempli.