Combien de moutons valent une chaise ? Voila ce que la monnaie nous permet d’évaluer. Aujourd’hui, seulement 2% des échanges monétaires mondiaux concernent des biens et services – autrement dit l’économie réelle. Les 98% restants sont consacrés à la finance et à la spéculation.

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Fort de ce constat, Jean-Paul Pla, adjoint à la mairie de Toulouse à l’économie sociale et solidaire, a impulsé la création d’une monnaie locale : le sol violette. L’aventure a démarré le 6 mai 2011, avec une période d’essai de six mois, financée par la municipalité, à hauteur de 120 000 euros. Sous la forme de coupon-billet – de 1, 5 ou 10 sols – cette monnaie complémentaire est accessible à tous, auprès de la mairie ou des banques partenaires, telles que le Crédit Coopératif ou le Crédit Municipal.

Partager les mêmes valeurs

Connecter entre eux des acteurs économiques locaux aux mêmes valeurs, telles que la solidarité ou le respect de l’environnement, et faire circuler une monnaie qui échappe au circuit financier : c’est le fil conducteur du projet auquel de nombreux commerçants ont décidé d’adhérer.

« Quand la mairie de Toulouse nous a contactés en disant, on va lancer une monnaie sociale et solidaire qui va prôner des valeurs sociales et environnementales, la question ne s’est même pas posée », raconte avec enthousiasme Philippe Jalby, gérant d’Ethic et Chic, un magasin de vêtements bio et commerce équitable. Bar, librairies, coopératives bios, les prestataires « solistes » – du nom de la monnaie – sont à la recherche de nouveaux professionnels vers qui se tourner pour dépenser leurs sols. Car si le nombre d’adhérents est au-dessus des espérances de la mairie, il reste encore beaucoup de professionnels à convaincre. Pour Fabrice Domingo, de la librairie Terra Nova : « En ce moment on a trop de sols, on ne peut pas les dépenser assez vite. Pour l’instant, l’imprimeur avec qui on travaille n’accepte pas les sols, mais ce serait une bonne piste ».

Une monnaie vraiment solidaire

Particularité du sol violette : c’est une monnaie en partie fléchée, c’est-à-dire qui s’adresse aussi à un public, en général, exclu de ce genre d’initiatives. Ainsi, 90 personnes en précarité financière ont droit à 30 sols par mois, l’occasion pour eux de pouvoir consommer autrement. « J’ai toujours été intrigué par le bio au niveau de l’alimentation et grâce au sol, j’y ai accès aujourd’hui », confie Kadour Guennad, bénéficiaire de ce programme. Marie Lacoste, de la maison des chômeurs Avenir, explique ce qui lui a plu dans la démarche politique du projet sol violette : « Pour la première fois on s’intéresse au mode de consommation des chômeurs et des précaires, d’habitude objectivement comme ils n’ont pas d’argent, les gens s’en foutent complètement ! »

Si d’autres initiatives existent comme l’Héol à Brest ou le RES en Belgique depuis 1996, le sol violette a redonné des couleurs aux monnaies complémentaires, et s’ajoute aux 2 500 qui existent de par le monde.