Deux mois après le lancement du site carredinfo.fr, « Univers-Cités » est allé à la rencontre de son fondateur, Xavier Lalu. S’il est encore trop tôt pour dresser un vrai bilan, cet ancien du Master journalisme de Sciences Po Toulouse revient sur la nature du projet et en tire les premiers enseignements.

Sans_titre.png Renouveler l’info locale, pas la révolutionner. Voilà le crédo de Carré d’Info, pure player toulousain lancé à la mi-septembre. Du DijOnscOpe à Rue89Lyon, ces nouveaux acteurs de la presse régionale remettent l’information de proximité au goût du jour, en exploitant à fond toutes les possibilités offertes par le web. Et la formule semble payante : 17 000 visiteurs uniques et 60 000 pages lues en deux mois pour carredinfo.fr, des débuts très prometteurs.

Un succès qui tient en quelques mots : « L’information toulousaine qui ne tourne pas en rond », le leitmotiv de Xavier Lalu, Bertrand Enjalbal et Xavier Drouot, fondateurs de Carré d’info. Le projet part d’un constat simple : « Toulouse est la quatrième ville de France, explique Xavier Lalu. Un habitant sur sept est étudiant, il y a aussi beaucoup de jeunes actifs : pour la plupart, ils ne sont pas Toulousains, donc ça ne les intéresse pas forcément de savoir ce qui se passe au coin de la rue. Par contre, décliner l’actualité internationale au niveau local… » Une volonté affichée de traiter l’actualité autrement, avec des angles décalés et une vision « plus urbaine », qui permet de relier l’information locale avec des préoccupations nationales ou internationales.

La passion du local

« Il n’y a pas de raison qu’il y ait un monopole parce qu’un journal est ici depuis cent ans », estime Xavier Lalu. Face à une presse locale traditionnelle « à cent mille kilomètres des nouvelles formes de journalisme », Carré d’info se veut résolument novateur : « On essaye de faire du journalisme augmenté, avec des infographies, des contenus multimédias, du datajournalisme… On a la technologie pour rendre le journalisme plus explicatif, mais beaucoup de pure players se bornent à transposer le système papier, c’est-à-dire photo/texte. »

Le but n’est donc pas de concurrencer la presse papier et sa prétention à l’exhaustivité, mais d’être complémentaires en donnant de la valeur ajoutée à l’information. Une ambition qui vient d’une vraie passion pour le local : « Je suis convaincu qu’être journaliste localier, implanté sur un territoire, c’est aussi passionnant et difficile que d’être dans une grande rédaction parisienne. Mais la PQR [presse quotidienne régionale, ndlr] est en train de prendre beaucoup de retard. La presse écrite ne va pas mourir, comme on l’entend souvent, mais elle doit augmenter en qualité d’édition, de reportage, de contenus… »

Le défi du web: légitimité et gratuité

Depuis 2007, le « phénomène pure player » ne cesse de grandir. D’abord national au lendemain de l’élection de Nicolas Sarkozy (Rue89, Mediapart, Slate), le mouvement s’est peu à peu tourné vers le local (DijOnscOpe et le tout nouveau Rue89Lyon), oscillant entre un modèle gratuit financé par la publicité et un modèle payant qui repose sur la contribution des internautes. Pour Xavier Lalu, le choix s’est imposé de lui-même : « L’esprit du web, c’est la gratuité. Je pense qu’il ne faut pas aller contre cela, mais proposer une information gratuite et de qualité, pour ne pas rebuter les lecteurs. La presse en ligne payante, quelque part, c’est de la ségrégation par l’argent. Et puis pour que les gens soient prêts à payer, il faut une grande légitimité, ce qui n’est pas encore notre cas… »

La légitimité, ou le nerf de la guerre et le grand défi qui attend les acteurs de la presse en ligne. « Avec le web, il y a une profusion d’information, qui induit une certaine défiance, explique-t-il. Il faut revenir à l’essence du journalisme : le terrain, les gens, ne pas s’en tenir aux communiqués de presse, s’affranchir de l’agenda. Il faut mixer la rapidité et le temps long : sortir l’info, mais la vérifier, prendre le temps d’enquêter… Avec le temps, on espère être mis au même niveau que la presse papier. »

Un challenge collectif, porté par le SPIIL (Syndicat de la Presse Indépendante d’Information en Ligne), qui organisait ce 18 novembre la deuxième édition de la Journée de la Presse en Ligne. Les petites mains de Carré d’info y étaient, pour avancer sur des partenariats avec d’autres pure players comme Rue89 et Mediapart, notamment autour d’un portefeuille national d’audience et d’échanges de contenus. « Carré d’info commence à être connu et reconnu du public et des confrères, donc pour l’instant c’est très positif. On fera un vrai bilan au bout d’un an », conclut-il.