Toulouse a accueilli la semaine dernière la 8ème édition du Festival International du Film des Droits de l’Homme (FIFDH). Des documentaires et des débats ont abordé différentes thématiques comme la traite humaine en Allemagne ou le commerce des armes en Israël. Une soirée spéciale sur la guerre civile en Syrie s’est tenue mercredi, l’occasion de revenir sur le conflit armé et ses conséquences, pour les populations locales comme à l’international.
Six organisations de solidarité internationale ont participé au FIFDH. Mercredi soir, c’est l’association Toulouse Syrie Solidarité qui présentait un documentaire sur le siège de la ville de Homs en Syrie, Return to Homs, réalisé en 2013 par Talal Derki et lauréat du Grand prix du Jury pour un documentaire étranger au festival de Sundance de 2014.
Intervenant au débat autour du film, Alain Gresh, journaliste au Monde Diplomatique et spécialiste du Moyen-Orient, et Salam Kawakibi, coordinateur du mouvement Arab Reform Initiative, ont souligné le rôle des interventions militaires des pays occidentaux dans la montée des radicalismes au Proche et Moyen-Orient. Des propos qui trouvent un écho singulier dans les évènements de ces dernières semaines.
Dans l’horreur de la guerre en Syrie
Le documentaire Return to Homs suit Abdul Basset Al-Sarout dès le début de la révolte à Homs. Le jeune homme a 19 ans, il est devenu avec ses chansons une icône de la révolution pacifiste. Il va se transformer en chef militaire pour tenter de libérer sa ville des assauts du régime. Face à l’inaction de la communauté internationale et à l’omniprésence de la mort dans une ville dévastée, Basset apparaît enlisé dans un conflit de plus en plus violent. Une violence qui résonne faiblement chez les observateurs de l’ONU, en visite express d’une demi-heure à Homs pour dresser un bilan de la situation. A l’écran, Basset se contente de constater amèrement : “Ils n’ont rien pu faire”.
Comment libérer Homs l’audacieuse, telle qu’il la chantait ? Les armes sont plus lourdes, les immeubles s’effondrent, et le sommeil se fait rare. Basset est blessé plusieurs fois, mais il survit. La mort ne lui fait pas peur. Les copains tués, il ne veut plus les pleurer. Ce sont des martyrs : “Ce ne sont pas eux qui sont à plaindre, c’est nous”.
Le jeune homme a depuis quitté Homs et combat maintenant aux côtés de Daech. “Si vous fermez toute porte de changement politique, ce sont les groupes radicaux qui s’en nourrissent”, explique Salam Kawakibi. “En Syrie, les rebelles se sont tournés vers les pays du Golfe, puis ils ont demandé de l’aide aux démocraties, et ils n’ont rien reçu. Maintenant, on ne peut pas leur donner de leçon de morale”, continue-t-il.
Pour Alain Gresh, le terrorisme est utilisé comme un concept dénué de sens. “C’est un moyen d’action”, précise-t-il, ajoutant : “Les occidentaux aident les Kurdes à Kobané [ville syrienne attaquée par l’EI] alors que le PKK [Parti des travailleurs du Kurdistan] est sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne. En revanche, ils refusent d’aider le Hamas alors que c’est l’organisation officielle de défense de Gaza”.
Le terreau de l’Etat Islamique
“Je travaille 18 heures par jour sur le Moyen-Orient et j’ai parfois l’impression de ne pas le comprendre”, raconte Alain Gresh. Et c’est bien ce qui ressort de son récit : la grande complexité de l’étude d’une région aux multiples facettes. Les tournants de son analyse ? La seconde intifada en Palestine et les attentats du 11 septembre, puis la guerre en Irak. Selon lui, “les États-Unis ont mené en Irak une politique désastreuse qui a eu pour effet de remodeler la région”.
Une guerre qui “va aussi alimenter une haine durable à l’égard des américains et plus généralement de l’Occident”. Preuve en est de la montée en puissance d’Al-Qaïda, qui n’existait pas en 2003 en Irak et y est devenue un acteur majeur lorsque les Américains se retirent à partir de 2009. Pour Alain Gresh, par ce conflit, mais également en fermant toute solution possible à la question palestinienne, les États-Unis ont contribué à l’émergence du djihad dans la région. Et en Syrie notamment, où, pour combattre les troupes américaines dans le pays voisin, le régime de Bachar Al-Assad entraînait des djihadistes.
Sarah Baqué
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