La période des soldes d’hiver 2024 a commencé depuis le mercredi 10 janvier, au grand bonheur des dénicheurs de bonnes affaires. L’entrain est néanmoins plus réservé du côté des professionnels qui redoutent une baisse de rentabilité due à l’inflation et à la crise du secteur.

Ça y est ! Les soldes sont lancés depuis hier 8 heures, pour une durée de 4 semaines. Alors qu’elles devraient être une période faste pour les commerçants du secteur de l’habillement, leur succès est aujourd’hui incertain. Une enquête Ifop pour la plateforme Spartoo vient confirmer cela : près de 60 % des Français envisageraient de renoncer aux soldes d’hiver cette année ou d’y consacrer un budget moins élevé. Ce déclin toucherait par ailleurs davantage les commerçants indépendants dont le système économique est plus fragile que les grandes enseignes.

Les commerces indépendants à la peine

Un sentiment d’inégalité ressenti par Grégoire, gérant de deux boutiques de prêt-à-porter de la rue des Lois : « On ne peut tout simplement pas faire des promotions aussi intéressantes que les marques comme Zara ou Mango, alors on essaie de se démarquer par la qualité de nos vêtements et leur originalité ». « On a aussi essayé de communiquer autour de nos prix ronds car on a senti que les consommateurs n’appréciaient pas les prix à deux décimales des grandes enseignes », complète-t-il.

Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France, partage cette injustice et dénonce une « dérégulation complète et une forme d’anarchie » pénalisant le commerce de proximité. « Nous, les indépendants, on ne peut plus fonctionner comme ça car nous n’avons pas la marge bénéficiaire pour faire des promotions tout le temps » explique-t-il à l’AFP, cité par Sud-Ouest.

Nathalie, vendeuse à Dolls and Dogs, boutique colorée nichée dans une petite rue du quartier d’Esquirol, a également pu constater ce déclin. Elle témoigne : « C’est vrai que les soldes ne fonctionnent plus autant qu’avant, je pense qu’on va ressentir l’impact de l’inflation sur les dépenses de nos clients ». Rappelons que le niveau général des prix a augmenté de près de 5,7% sur l’année 2023, une hausse conséquente pour les portefeuilles des Français. Ces derniers comptent ainsi dépenser en moyenne 165 euros pour les soldes 2024, un panier en baisse de six euros sur deux ans, selon cette même enquête de l’Ifop.

La dure concurrence du Black Friday

Autre élément qui n’arrange pas la situation : le Black Friday. Cet évènement commercial importé des Etats-Unis se déroulant le dernier vendredi du mois de novembre semble ainsi avoir pris la main sur les soldes traditionnels. Son succès sans pareil peut s’expliquer par des prix cassés dans tous les secteurs (prêt-à-porter, informatique, électro-ménager) et un timing bien rôdé donnant généralement le top départ des achats des fêtes de fin d’années.

Nathalie a elle aussi cherché à profiter du phénomène : « Nos promotions du Black Friday ont eu plus de succès que les soldes, les gens étaient là pour acheter leurs cadeaux de Noël, c’est la période la plus attendue par les petits commerçants ». « La période de flottement qui s’installe après les fêtes est toujours rude » déplore-t-elle, gardant tout de même espoir que certains clients viennent dépenser leurs étrennes dans sa boutique.

Les soldes d’hiver semblent alors noyés parmi les ventes privées et autres promotions permanentes, notamment sur Internet. Selon les propos rapportés à l’AFP et cités par Sud-Ouest, Pierre Talamon, président de la Fédération nationale de l’habillement (FNH), affirme que le consommateur « se lasse de ces rabais incessants », n’ayant plus de prix de référence auquel se fier. De son côté, Marc Sanchez, secrétaire général du Syndicat des Indépendants et des TPE (SDI), avance que les soldes sont désormais « dénaturés » et que « les commerçants n’en attendent plus grand-chose ».

Des propositions alternatives

Pour changer le système des soldes actuel, d’autres mesures ont été proposées au Conseil National du Commerce, instance créée à l’initiative de l’ancienne Ministre déléguée au Commerce Olivia Grégoire : reculer la date des soldes d’hiver, complètement les supprimer, encadrer plus strictement les autres évènements promotionnels ou encore instaurer seulement une ou deux semaines de rabais à la fin de chaque saison. « Je suis pour le fait de davantage réguler le Black Friday ou les promotions sur Internet par exemple, c’est nécessaire pour que nous puissions continuer à exister », affirme le gérant du Dressing des filles.

Pour l’instant, aucun changement ne pointe à l’horizon. Les dates des soldes, fixées par un arrêté pris en application de la loi Pacte, ont fait l’objet d’un « consensus », rappelle le cabinet d’Olivia Grégoire à l’AFP, cité par France Bleu. « On n’est pas contre le fait que le dossier soit rouvert, mais il faut un minimum de propositions partagées. Et là, on ne peut pas dire que ce soit le cas », explique cette même source. D’autres enjeux doivent évidemment être pris en compte dans la discussion comme la transition écologique.

Crédit photo : Soldes, Pascal Terjan