Le périmètre d’application de l’arrêté anti-prostitution établi en juillet 2014 a été étendu aux quartiers derrière la Barrière de Paris. L’association Grisélidis dénonce la situation précaire des prostituées ainsi chassées du centre-ville.

A l’origine de cet arrêté anti-prostitution, le comité de quartier des Ponts-Jumeaux, dont les habitants sont excédés par les « nuisances » occasionnée par les activités de prostitution menées notamment sur le Boulevard de Suisse. Selon leur tract, « ce type de prostitution ne fonctionnait que sur des bases illégales : proxénétisme, travail et revenus non déclarés, troubles à l’ordre public ».

En découle en juillet 2014 un arrêté municipal interdisant la prostitution en centre-ville, notamment autour de la gare, sous peine d’amende. En 8 mois, la police dresse 567 procès-verbaux ; et au Capitole, on se félicite d’un « net recul de la prostitution ». Il n’y a eu aucun signalement à la police sur le boulevard de Suisse depuis l’instauration de l’arrêté, contre 23 appels en juin 2014.

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Pourtant, la mairie décide d’étendre le champ d’application de l’interdiction 24h/24 sur l’avenue des États-Unis. Le nouvel arrêté prévoit aussi un renforcement des patrouilles et l’installation de caméras de surveillance. Des décisions que dénonce l’association Grisélidis, à l’occasion d’un colloque à l’Espace des diversités et de la laïcité.

Les risques de la répression

Pour Sonia Gonzales, infirmière à Grisélidis, « c’est le contexte de répression qui est un facteur de risque ». « La criminalisation des prostituées les incite à se cacher au détriment de leur santé et du respect de leurs droits », poursuit Virginie Kastner, coordinatrice de Grisélidis.

« Elles hésitent à dénoncer les violences qu’elles subissent car elles doivent s’adresser aux mêmes services de police que ceux qui les verbalisent », continue-t-elle. La dispersion des prostituées en périphérie complique le travail de l’association, qui effectue des tournées nocturnes.

Grisélidis s’occupe depuis 1999 à Toulouse de santé communautaire, des programmes de santé à destination des travailleur-se-s du sexe. « Notre démarche est basée sur le non-jugement et le respect de la parole de tous », explique Corinne Monnet, animatrice sociale dans l’association. Grisélidis est une association mixte : elle compte des prostituées au sein de son conseil d’administration.

Pour Corinne Monnet, la santé communautaire, dans sa logique préventive, a contribué à faire évoluer la perception de la prostitution. « La prostitution est vue comme un fléau social, les prostituées comme des déviantes qu’il faut rééduquer », dénonce aussi Virginie Kastner.

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Elle évoque la loi Sarkozy sur la sécurité intérieure de 2003 : « Il y a eu un renversement : la prostituée considérée comme une victime est désormais une coupable ». A Toulouse, entre 2003 et 2004, il y a eu entre 5 et 10 arrestations par semaine.

Une médiatrice bulgare

Annie Garro est d’origine bulgare. Elle travaille comme médiatrice culturelle auprès de migrant(e)s. « Cela rassure, à 3.500 kilomètres de chez soi, de rencontrer quelqu’un qui parle sa langue maternelle », explique-t-elle. Son rôle est d’informer sur le droit français, par exemple sur la garde à vue. « J’explique aux personnes qu’elles n’ont pas besoin de se justifier, que je ne suis pas là pour les juger », ajoute Annie.

Elle raconte lutter contre les représentations « misérabilistes et stigmatisantes » de certains travailleurs sociaux, « pour qui une prostituée migrante est forcément soumise à un proxénète, ou qui poussent les filles à arrêter ». Pour ceux qui s’occupent au quotidien des prostituées, combattre ces préjugés est une première étape indispensable.