« Mamela et les kids de Soweto » était présentée au Théâtre des Mazades dans le cadre de Continents et Danses Noires, un festival organisé par le chorégraphe James Carlès. Une œuvre qui donne à voir la rencontre entre deux mondes culturels et générationnels différents de la danse et de la société en Afrique du Sud.

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C’est l’histoire d’une rencontre, de tensions, puis d’un spectacle. Mamela Nyamza, danseuse et performeuse sud-africaine, livre sur des œuvres dansées et humoristiques qui transcrivent les conflits sociaux et l’histoire de l’apartheid. Quand elle est invitée à un festival de hip-hop l’an dernier, elle s’intéresse à un groupe de cinq jeunes danseurs, entre 18 et 26 ans, le Soweto’s Finest, créé en 2006.

Ces jeunes danseurs de Soweto, le township de Johannesbourg, sont les ambassadeurs du sbuja. C’est une danse urbaine, dont le nom vient du français « bourgeois ». Mais ici, pas question de classe sociale, sinon d’une référence à un style raffiné et élégant. Une danse moderne, où on note l’influence du hip-hop mais aussi l’héritage de nombre de danses sud-africaines ancestrales et de l’époque de l’apartheid, comme le pantzula. Pour Mamela Nyamza, le sbuja est « la voix d’expression d’une nouvelle génération ». Pour ces jeunes sud-africains qui n’ont pas connu l’apartheid, la danse est quelque chose de beaucoup plus libéré, plus esthétique.

La mise en abyme d’une rencontre mouvementée

Elle propose un travail commun au Soweto’s Finest, un processus qui sera non sans difficultés. « C’est moi qui les ai choisis, qui ai créé le conflit. Je l’ai fait pour montrer leur danse, pas pour moi  » s’explique-t-elle. Le spectacle devient alors une mise en abyme de l’expérience qu’ont vécu ces six danseurs. Une expérience faite de tensions, de l’incompréhension de la danse de l’autre. « Le sbuja est leur chasse gardée » confie Mamela Nyamza.

La pièce est une métaphore de conflits sociaux et culturels, de la difficulté de faire fusionner deux univers. « J’ai chorégraphié les tensions et les relations qu’on a eu » raconte l’artiste. Cette œuvre montre aussi une ambivalence des rapports entre hommes et femmes. Mamela Nyamza, vêtue d’une combinaison en latex noir, joue du rapport de séduction avec ces cinq jeunes hommes. Parfois autoritaire, elle tente de s’imposer face à la mise au défi de ces jeunes danseurs. « C’est une difficulté en Afrique du Sud, la voix d’une femme contre cinq garçons n’allait pas avoir le plus de pouvoir » concède la chorégraphe.

Une fusion des mouvements et des corps réussie

« J’ai joué avec les oppositions : silence et bruit, immobilité et mouvement » raconte le chorégraphe sud-africaine. Un défi alors que le sbuja est une danse physique, en mouvement permanent et très sonore. La chorégraphe sud-africaine nous fait donc découvrir les entrailles du sbuja, décomposant, ralentissant les mouvements et les expressions du visage qui font cette danse. C’est aussi une pièce très sonore, on n’y entend des dialogues en anglais et multiples dialectes d’Afrique du Sud, des sifflements, des encouragements criés, des gargarismes. Une démarche esthétique qui fait vivre l’expressivité de cette danse.

Mais au final, ce spectacle nous montre un apprentissage commun et la grande affection qui s’est tissée entre ces six personnes. Mamela Nyamza se met en scène dans un rapport maternel, comme lorsqu’elle porte les danseurs l’un après l’autre, qu’elle leur met du rouge à lèvres ou qu’elle leur donne une tétine. Et Thomas Bongani Gumede, leader des Soweto’s Finest, d’ajouter : « Nous sommes très contents de pouvoir travailler avec Mamela et devenir des professionnels dans cet art. Puis, nous avons pu voyager dans le monde ». Un voyage qu’ils ont fait dans d’autres pays pour le spectacle, mais aussi dans le monde artistique de Mamela Nyamza qui leur était étranger. Et cette fusion de deux univers, de corps et de mouvements marche bien en fin de compte.