La journée de la femme… Le terme est vu et revu, et ne suffit plus visiblement pour les collectifs féministes toulousains. Ce sont plus de 300 femmes qui ont manifesté dans les rues jeudi dernier pour leur première « grrrrève des femmes ».
Le jour où 52% de la population s’arrête de travailler
Armées de plumeaux, de balais, de caddies, elles s’étaient données rendez-vous sous la statue de Jeanne d’Arc pour un 8 mars haut en revendications et en actions. Elles, se sont ces Toulousaines qui, plutôt que de recevoir quelques allégeances des hommes, ont décidé ce jour-là de porter un coup symbolique : un préavis de grève, pur et simple. Une façon efficace de montrer que, lorsque la moitié de la population arrête de bosser… on voit la différence !
« Par cette action, celle de la grève, nous souhaitons montrer le côté combatif que doit avoir cette journée. Et si l’action reste pour l’instant locale, car Toulouse a quand même une tradition féministe assez forte, pourquoi pas, à terme la rendre nationale ?« , explique Julie, militante au collectif féministe et culturel « l’Ebranleuse ».
Et si les travailleuses se sont largement mobilisées, elles sont ravies de voir des jeunes étudiantes dans la manifestation, preuve que le mouvement féministe n’a pas perdu de sa splendeur d’antan.
Mot d’ordre du jour : “interdit aux hommes”
» Aujourd’hui on ne range pas, on dérange » a prévenu le cortège qui s’est lancé dans une longue marche symbolique en passant notamment par la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie) pour y réclamer un meilleur accès aux prestations sociales, ou par la Préfecture pour une régularisation des femmes sans papiers.
Manifestation ou véritable spectacle ambulant? C’est à s’y méprendre… Perruques blondes, manteaux de fourrures sur une peau presque nue, chariots de supermarché, certaines des manifestantes ne passent pas inaperçues en tenue de parfaite ménagère. Et elles n’hésitent pas à s’atteler au lavage méthodique des vitrines qui se trouvent sur leur passage.
D’un œil curieux et amusé, certains hommes s’approchent, mais sont bien vite écartés de leur chemin, avec des propos parfois peu cordiaux.
Anissa, étudiante en master Discrimination et genre à Sciences Po, se sent particulièrement touchée par le sujet. Comme la plupart des élèves de sa classe, elle a décidé de faire la grève toute la journée « car c’est une action symbolique, il ne s’agit pas seulement d’être présent à l’heure de la manif« . Si elle partage les revendications du jour (égalité salariale, égalité dans les tâches ménagères…), sur la forme, ses idées divergent : « Je ne trouve pas juste que les hommes soient exclus de la manif, au contraire, c’est un bel acte qu’ils viennent nous soutenir, ils auraient pu être nombreux si on ne les chassait pas comme ça, c’est bien dommage!« .
Encore 80% des tâches domestiques
Marie et Cécile, nouvelles recrues d’Osez le féminisme, participent pour la première fois à une telle action. Et si elles sont là, c’est que le moment est pour le moins opportun : « En période de pré-campagne notre action est essentielle. Il s’agit d’attirer l’opinion sur ce sujet et de lutter contre l’idée que l’égalité est déjà là. On se permet de donner des leçons à d’autres pays sans s’avouer qu’il reste encore beaucoup de points, en France, sur lesquels il faudrait avancer. »
En effet, les femmes françaises exercent aujourd’hui encore 80% des tâches domestiques, mais, sans parler d’une lente évolution des moeurs, ce qui inquiète encore plus, c’est le risque d’une dégradation de la situation. En vue des prochaines élections et de certaines propositions, des menaces planent sur le quotidien de la femme moderne… Suppression des écoles maternelles, fermeture des plannings familiaux, la fin des avortements dits de « confort » : des avancées que la nouvelle génération de féministes veut conserver à tout prix.
Une journée chargée d’histoire
Le 8 mars, une date symbolique pour toutes les femmes de ce monde. Mais d’où vient vraiment cette tradition ? Cette journée trouve son origine au début du XXème siècle avec les luttes ouvrières pour de meilleures conditions de travail, le droit de vote et, bien évidemment, l’égalité entre les hommes et les femmes.
La date a mis plusieurs années avant d’être fixée mais c’est dès 1910 que l’idée d’une telle journée est apparue à l’initiative de Clara Zetkin, lors de la conférence internationale des femmes socialistes. Très rapidement, ce mouvement s’inscrit donc dans une perspective révolutionnaire. En 1917, les ouvrières de Saint-Pétersbourg retiennent la date du 8 mars pour leur mouvement de grève, et après 1945, cette journée devient une coutume dans le monde entier.
Un combat récompensé
Le combat des femmes trouve un second souffle dans les années 1960-1970. Aux États-Unis, l’égalité des droits progresse grâce à deux lois votées consécutivement : la loi sur l’égalité des salaires en 1963 et la loi sur les droits civiques qui abolit toute forme de discrimination en 1964. La vague militante féministe atteint ensuite l’Europe et prend le nom de Mouvement de libération des femmes en France et Women’s Lib dans les pays anglo-saxons. Ces mouvements ont recours à des formes de mobilisation volontairement provocatrices qui attirent l’attention des médias. La lutte remporte une grande victoire l’année 1997 puisque les Nations Unies reconnaissent officiellement la « Journée internationale des femmes ». Journée qui ne sera reconnue qu’en 1982 en France.
Encore quelques progrès à faire
Aujourd’hui, le 8 mars reste une journée de manifestation mondiale. Les associations et les groupes militants fêtent les victoires mais veulent surtout faire entendre leurs revendications dans le but d’améliorer la situation des femmes. Et oui, même au XXIème siècle les inégalités persistent : les femmes subissent plus le chômage, elles sont moins bien payées et plus souvent en temps partiel, elles consacrent plus de temps aux tâches domestiques et sont encore sous-représentées dans la sphère politique. Sans compter que l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) n’est pas un droit qui leur est reconnu partout. Voilà de quoi donner des sueurs froides à toutes celles qui ont mené un combat acharné pour l’égalité homme-femme.
Mais les féministes, loin de se reposer sur leurs acquis, livrent chaque jour une lutte acharnée pour réduire les barrières entre les sexes. Récemment, c’est la case «Mademoiselle» des documents administratifs qui a été fustigée.
Alors certes, cette journée de mobilisation peut agacer certains qui éprouvent un ras-le-bol à entendre parler d’une moitié de la population le même jour chaque année, mais cette journée aura besoin d’être célébrée tant que l’égalité entre les hommes et les femmes ne sera pas effective. Il faut bien nous laisser cela, à nous les femmes, pour garder l’espoir qu’un jour l’égalité n’aura plus à être revendiquée.
Dates clés :
– 8 mars 1910 : réunion d’une Confédération internationale des femmes socialistes de plusieurs pays pour manifester en faveur du droit de vote.
– 1914 : les Allemandes réclament le droit de vote et l’obtiennent à la fin de la Première Guerre mondiale.
– Février 1917 : grève des ouvrières de Saint-Pétersbourg en Russie.
– 1944 : les femmes françaises obtiennent le droit de vote.
– 20 avril 1945 : premier vote des Françaises aux élections municipales.
– 8 mars 1948 : des milliers de femmes défilent pour revendiquer l’égalité des droits et de meilleures conditions de travail.
– 8 mars 1977 : la Journée mondiale de la femme est officialisée par les Nations Unies.
– 1982 : « Journée internationale des Femmes » reconnue en France.