Du 9 au 17 mars, la Cinémathèque de Toulouse organise la 6ème édition du festival Zoom Arrière. L’événement, devenu incontournable pour les cinéphiles, favorise l’accès aux chefs d’oeuvre du 7ème art.

Construit autour de la thématique des Films Interdits, l’édition 2012 investit ainsi sans tabous les coulisses du cinéma international. Florilège de petites révolutions et retour sur des scandales d’une autre époque, telle sera la matière d’un festival qui s’annonce haut en couleurs.
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Bande-annonce du festival
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Si les rétrospectives font office de favorites, il est malgré tout essentiel de noter l’arrivée d’un inconnu: le cinéma iranien, avec des créations empreintes de fraîcheur, occupe une place de choix parmi ces ancêtres du genre, et n’a décidément pas à rougir.
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La réalité de la censure au Moyen-Orient, très médiatisée lors de la sortie de Persepolis sur les écrans français en 2007, reste à l’évidence un problème d’envergure, que Martine Offroy, présidente de la Cinémathèque, a tenu à évoquer avec simplicité. Entouré de films moins populaires, le long-métrage d’animation de Marjane Satrapi fait bien évidement partie de la sélection. Mais c’est surtout Nader Takmil Homayoun, qui apparaît comme le réalisateur-vedette de cette édition toulousaine. Son premier documentaire, L’Iran: une révolution cinématographique, entame donc les festivités pour le plus grand plaisir des curieux. Loin du complot nucléaire qui encombre les médias depuis quelques mois, Zoom Arrière montre ainsi un visage de l’Iran peu connu: de jeunes artistes qui se cramponnent à leurs libertés et les affirment à travers des compositions aux discours modestes. On recommande donc chaudement d’aller voir Téhéran ou Le Cercle vicieux de Homayoun, mais aussi Le CercleHors Jeu et Le Ballon blanc de Jafar Panahi, ne serait-ce que pour se débarrasser de clichés trop facilement plaqués sur la République islamique.
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Les films lapins
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A priori hors sujet, cette catégorie loufoque laisse perplexe. Loin des héros de notre temps, j’ai nommé les célébrissimes Lapins Crétins, ces films sont… extrêmement sérieux. Le sobriquet désigne en réalité l’ensemble des réalisations est-allemandes conçues par la production d’Etat de la RDA, et en conséquence, censurées par le régime aussitôt sorties. 
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Alors pourquoi « les lapins » ? On a arbitrairement surnommé ces films du nom du tout premier représentant du genre, Das Kaninchen bin ich (C’est moi le lapin) de Kurt Maetzig. 
_ Diktat zinzin qui ne doit pas faire oublier que derrière la blague se cache une censure pendant longtemps acceptée. Ressortis des cartons, pour l’évènement, Ecke Schönhauser (A l’angle de la Shönhauser) et Berlin um die Ecke (Berlin, au coin de la rue) de Gerhard Klein, Der verlorene Engel (L’Ange perdu) de Ralf Kirsten ou encore Spur der Steine (La Trace des pierres) de Frank Beyer, sont donc l’occasion d’une découverte heureuse pour tous les amateurs du cinéma allemand des années 60-70.
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Le ciné clandé
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Des films à contenus pornographique ou érotique ? Une banalité, aujourd’hui. Naguère ils étaient cependant le signe que la censure n’est pas toujours politique mais souvent imposée par la société elle-même. Les premières scènes coquines qu’on découvre dans Un chant d’amour de Jean Genet ou Les Mille et une perversions de Félicia de Max Pécas, peuvent faire sourire. Elles ont néanmoins fait scandale à leur époque.

_ Alors aujourd’hui, à l’heure où le nu investit de plus en plus les écrans, la question reste entière: jusqu’où le cinéma peut-il aller dans le dévoilement du corps ? Dans sa quête de vérité et d’introspection, la nudité est devenue une aire de jeu incontournable, l’érotique et le porno, des genres à explorer. C’est justement en hommage à cette posture courageuse ou osée – les avis sont partagés – , que les programmateurs de l’événement ont tenu à présenter au public toulousain, Bananes mécaniques de Jean-François Davy, Derrière la porte verte d’Artie et Jim Mitchell ou encore Salon Kitty de Tinto Brass.
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Censure et guerre d’Algérie
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Dans une époque électorale trouble où les Harkis font encore l’objet de propositions politiques en tout genre, le conflit franco-algérien semble plus que jamais actuel. Longtemps censuré par l’Etat français, ce sujet épineux a passionné une génération de cinéastes particulièrement concernés par le conflit. La parenthèse honteuse de 56-62, incohérente dans l’histoire de la République démocratique française, est donc d’autant plus captivante. Elle a ainsi donné naissance à Afrique 50 et Techniquement si simple de René Vautier, Le Petit Soldat de Jean-Luc Godard ou R.A.S. d’Yves Boisset par exemple, qui pointent les défauts de cette guerre incomprise et dissimulée par le régime.
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A l’occasion de ce nouveau festival, Zoom Arrière peint donc avec habileté la censure sous toutes ses formes, pour l’afficher ostensiblement dans les cinémas toulousains. Ah, sacrée ironie du genre !

Le programme du festival