66% de participation, du jamais vu aux États-Unis. Un intérêt record pour l’élection du nouveau locataire de la maison blanche. Un engouement que symbolise une mobilisation de catégories d’électeurs peu réputées pour leur vote en masse. Ainsi, les jeunes, les latinos et les afro-américains se sont bousculés devant les urnes.
Cet enthousiasme électoral s’explique par des candidats « atypiques ». Dès les primaires le camp démocrate se déchire entre une femme, Hillary Clinton et un candidat noir, Barack Obama ; une première aux États-Unis. Pendant ce temps, le camp républicain désigne John McCain comme chef de file. Âgé de 72 ans, le candidat républicain est le plus vieux présidentiable de l’histoire du pays.
A ceci s’ajoute une nouvelle augmentation des budgets de campagne des deux camps, et notamment des dépenses du parti démocrate. La campagne d’Obama a coûté 700 millions de dollars. McCain, quant à lui n’a dépensé « que » 84 millions de dollars.
McCain : “Every candidate makes mistakes” [[Tout candidat fait des erreurs]]
Le sénateur de l’Arizona a pourtant galvanisé les foules en particulier avec son slogan « Country first »[[Le pays d’abord]]. De plus, le choix d’une femme et, en particulier, de la sulfureuse gouverneur de l’Alaska, aurait pu assurer à McCain de nombreuses voix. Mais voilà, huit longues années de « bushisme » l’ont cruellement desservi. Être de la même famille politique qu’un président sortant dont la cote d’impopularité atteint les 75% n’est pas chose facile et les distances prises entre les deux hommes n’ont pas suffi.
D’autre part, le choix de Sarah Palin pour vice-présidente a fait fuir les républicains les plus modérés et surtout les votants indécis : sans expérience au niveau national, totalement ignorante en matière de politique étrangère, sa doctrine se limitant à « la Russie se voit de l’Alaska », opposée à l’avortement et de surcroît gaffeuse.
L’âge de McCain et la possibilité qu’il puisse décéder durant son mandat a laissé plus d’un Américain perplexe. Imaginer Palin, une femme raillée et critiquée, en particulier sur la toile, assurer l’intérim, a handicapé le candidat républicain.
Une autre erreur de McCain est de ne pas avoir su imposer la guerre en Irak au centre des trois débats organisés en amont de l’Election Day. C’était pourtant l’atout principal de cet ancien du Vietnam. Il pouvait représenter un commandant en chef des troupes américaines hors pair, promettant la victoire en Irak.
En revanche, il a popularisé le désormais célèbre « Joe the plumber », plombier phare du troisième débat télévisé. Pourtant, cette image d’Épinal s’est elle aussi montrée inefficace.
Obama et le changement :« Yes we can »
Face à McCain, Barack Obama, un candidat charismatique, au slogan très mobilisateur « Yes we can » [[Oui, nous pouvons]], porteur d’espoir et de changement. Mc Cain l’a lui-même reconnu lors de son discours du 4 novembre après la publication des résultats : « He has inspired hope to so many men » [[Il a insufflé de l’espoir à tant de personnes]].
La force d’Obama est d’avoir su rassembler le peuple autour de la renaissance du « rêve américain ». De plus, il a su s’octroyer les voix d’une majorité d’afro-américains, de jeunes et de latinos. Pour ce faire, rien n’a été laissé au hasard ; à l’exemple des spots pro-Obama diffusés en espagnol dans les États à majorité hispanophone.
La chanson d’Obama
Un rassemblement qui n’est pas gratuit ! Campagnes web, campagnes télévisuelles, financement en tous genres… le démocrate a pulvérisé tous les records. La somme astronomique récoltée par le candidat démocrate provient non pas seulement de fonds publics, mais essentiellement de donations privées. Ainsi il a rassemblé des millions de citoyens autour de sa candidature, en les faisant participer, même pour quelques cents, à sa campagne. Un acte qui correspond au reste de son discours : chaque action d’un citoyen américain, chaque voix exprimée compte.
Le sénateur de l’Illinois a su profiter des faiblesses de son adversaire : face aux hésitations de McCain, Obama répond calmement et avec assurance. Il rassure les Américains. La population souffre d’une guerre qui n’en finie plus et qui est trop coûteuse financièrement et humainement ; d’une crise financière et économique ; d’une mauvaise couverture santé et sociale. Obama lui promet le retour du « rêve américain ». Après tout « it’s time for change » [[c’est le moment des changements]] !
Mais surtout, Obama est un formidable communiquant. Outre sa campagne sur Internet et à la télévision, les téléphones mobiles ont également utilisés, ce qui a permis de joindre individuellement de nombreux électeurs. Si McCain a lui aussi adopté cette méthode, c’est de manière maladroite : complexité de l’inscription, messages plus ou moins bien rédigés… Du côté démocrates, le numéro de téléphone correspondait aux lettre OBAMA, l’inscription permettait d’accéder à plusieurs « goodies » et autres informations, et chaque message envoyé renflouait les caisses démocrates pour la campagne.
Enfin, le charisme du candidat démocrate s’est construit sur des comparaisons avec Martin Luther King mais aussi avec John Kennedy : unité nationale, jeunesse, renouveau ; tous les ingrédients du succès étaient réunis.
La vraie force de Barack Obama a été, alors que son entrée en politique est récente, de s’imposer comme un présidentiable crédible, dont la jeunesse promet justement le passage du pays à une autre ère. Face à l’ancien « héros », il s’est imposé comme le nouveau héros, celui qui invente un avenir pour tous les Américains. Reste à voir si ce rêve deviendra réalité.
Petit retour sur la campagne électorale américaine 2008