Au cœur du quartier des Minimes se trouve l’atelier Pierres et Toiles d’Isabelle Laulhé le dernier atelier de lithographie de Toulouse, un art créé au 18ème siècle qui consiste à réaliser des estampes par impression des dessins tracés sur une pierre.
En entrant dans l’Atelier Pierre et Toiles, c’est une véritable sensation de retour vers le passé qui attend le visiteur. Des machines aux allures vieillottes attirent le regard et attisent la curiosité. La plus impressionnante de toutes, une presse lithographique marquée par le temps, la « bête à corne » comme aime l’appeler Isabelle Laulhé. Au milieu de l’atelier, l’artiste détonne. Fluette et souriante, on a du mal à l’imaginer soulever les énormes pierres lithographiques et manipuler aisément la presse. Pourtant, les délicates estampes signées « Laulhé » qui ornent l’atelier en attestent : c’est bien elle la dernière artiste à pratiquer la lithographie à Toulouse.

La bête à cornes, presse à bras lithographique datant du 19ème siècle. Crédits photo : Liz Mary
Au plus loin qu’elle se souvienne, l’art a toujours été une nécessité pour Isabelle Laulhé. « Je me rappelle quand j’étais enfant, j’ai été brulée car je courais pour aller chercher des crayons afin de dessiner des oiseaux et j’ai bousculé quelqu’un qui tenait de l’eau bouillante. J’ai appris récemment que je n’avais que 2 ans et demi lors de cet épisode », sourit-elle. Un amour de l’art qui ne l’a jamais quittée.
A la fin des années 80, Isabelle entame un parcours aux Beaux-Arts à Paris, se perfectionnant en peinture et dessin. C’est aussi sa première rencontre avec la lithographie. Un art qui ne la convainc pas dans un premier temps. Ce n’est que quelques années plus tard, qu’elle tombe sous le charme de cette forme d’impression. « Je suis entrée dans l’atelier d’un artiste à Paris qui pratiquait la lithographie. Quand je l’ai vu mélanger ses couleurs pour les appliquer sur la pierre, c’était magique. J’ai décidé de reprendre des cours de lithographie aux Beaux-Arts avec cet artiste. »
Créer plus que montrer
Installée à Toulouse depuis 2007, Isabelle se consacre depuis environ 5 ans exclusivement à la lithographie. Si pour elle, peinture et lithographie sont complémentaires, elle avoue volontiers que les deux arts prennent énormément de temps. Alors entre les pinceaux et les pierres, elle a choisi le minéral, du moins pour l’instant. « Cela fait longtemps que je n’ai plus pratiqué la peinture à l’huile, je voudrais m’y remettre. Seulement j’ai peur de ne plus être à la hauteur, alors je me trouve des excuses pour le faire plus tard. » ironise-t-elle.

Isabelle Laulhé en pleine séance de lithographie. Crédits photo: Didier Jacquet
Pour Isabelle, la nécessité est de créer plus que de montrer. Elle peut passer des soirées entières à imaginer et réaliser des estampes, mais les expositions ne sont pas une priorité pour elle. L’appel des pierres et de la presse à bras sont plus important que l’appât du gain. Et elle ne se fait pas d’illusion sur le métier d’artiste.
« Aujourd’hui, je ne vis pas de mon art. Je suis aussi professeur d’arts plastiques. Si je peux vendre quelques estampes c’est très bien, mais ce qui prime c’est tout le processus de création. »
Vagues d’inspirations
Dessiner sur les pierres, actionner la presse à bras pour imprimer les motifs sur des feuilles de papier qu’elle fabrique, poncer les pierres, recommencer. Voilà ce qui la fait vibrer. Et ses inspirations vont par vagues. « Ça peut être des visages, des citadelles… En ce moment c’est l’écriture, l’écriture arabe qui m’inspire. » Cette inspiration du moment a donné naissance à une série d’estampes délicates aux allures orientales, qui laisse à l’observateur le soin de voyager, sans chercher à comprendre. « Je n’aime pas expliquer pourquoi j’ai créé telle ou telle estampe. Chacun doit y voir ce qu’il ressent, c’est aussi ça le but de l’art. »

Pierre lithographique; Crédits photo : Amélie Caralp
Mais la lithographie se mérite et Isabelle en est consciente. « Avec le temps, je ne peux plus dessiner sur les pierres grand format qui demandent trop de temps et d’effort à l’impression. Et les pierres sont de plus en plus difficiles à trouver. La carrière la plus proche se situe en Allemagne, alors c’est compliqué d’acheter des pierres de bonne qualité. »