Depuis la mi -janvier, partout en France et sur les réseaux sociaux fleurissent des pages Spotted, un système de petites annonces qui vise à retrouver son âme sœur aperçue dans un quelconque lieu public. Une effervescence qui n’a pas épargné les campus toulousains, voire le métro ou la place Saint-Pierre, avec une multitude de pages Facebook. Coup de projecteur sur cet épiphénomène labellisé 2.0.

Image_1-2.png

«Je trouve que c’est quelques chose d’assez rigolo, c’est assez improbable, et c’est toujours rigolo de voir comment les gens peuvent voir une personne de l’extérieur et essayer de décrire ce qu’ils ont vu», prêche convaincue Marie-Lou, la vingtaine. Spotted enflamme les réseaux sociaux et les cœurs des étudiants. Mais pour combien de temps ? En quelques semaines, ce qui n’était qu’une rumeur venue d’Allemagne ou d’outre-Atlantique s’est convertie en un véritable sujet de conversation entre étudiants. On y évoque des rencontres, des fantasmes, l’amour, mais on y fait surtout beaucoup de poésie ou d’humour. Au choix.

« #70, Nous étions vautrés sur le canapé/ Tu étais toute nue sous ton chemisier./ Distrait, hélas ! d’une ivresse infinie,/ Je n’ai gardé que ton nom, Virginie./ Quand est venu le moment de partir,/ Comme un idiot je n’ai pas su te dire/ Que toi aussi tu me plaisais vraiment./ Que dirais-tu que l’on devienne amants ? ». Des annonces comme celle-ci, extraite de la page Spotted de l’Université Toulouse-II du Mirail (UT2), les étudiants qui gèrent ces espaces sur les réseaux sociaux en reçoivent des dizaines par jour. 289 messages reçus par les administratrices pour la page de l’Universté Toulouse Capitole-I (UT1) au 11 février ; 74 petites annonces publiées sur l’espace Spotted du Mirail en date du 19 février ; une quarantaine sur la page dédiée au métro toulousain. C’est également plus de 4000 étudiants qui suivent régulièrement la page UT1, 3000 pour la page du Métro, 1000 à 2000 pour celles de l’université du Mirail ou de Paul-Sabatier.

L’amour 2.0 ?

Pour Marianne et Sophie*, étudiantes en droit qui gèrent le Spotted de UT1 : « Spotted a une utilité, bien qu’elle soit encore très contestée. Elle serait rendue plus évidente si les messages envoyés étaient soit plus sérieux, soit plus matures » Et d’ajouter : « Pour nous, la réussite du concept Spotted correspond à un besoin grandissant pour notre génération de retrouver un certain romantisme sous une forme pourtant innovante et prenante ». Même constat pour Deborah qui gère la page Spotted de l’Université Toulouse-III Paul Sabatier (UPS), pour qui ce système est « une façon comme une autre de rencontrer des gens, si rencontre il y a. (…) Une façon de rendre un peu plus vivante et humaine la fac ».

Pour d’autres, il s’agit d’une illusion. Même parmi les étudiants à l’initiative de ces espaces sur les réseaux sociaux. L’humour et la bonne blague prennent vite le pas sur l’idée d’une rencontre sérieuse après un regard dérobé ou une main maladroite. « Quand j’ai créé la page je trouvais l’idée en elle-même assez intéressante. Spotted met en lumière les petits coups de coeur du quotidien des garçons et des filles de 20 ans d’aujourd’hui. Au début, j’y voyais même un intérêt sociologique, c’est pour dire… Et puis je me suis rendu compte que la majorité des messages que l’on m’a envoyé, c’était plus pour se marrer entre potes. Du coup ça a perdu un peu de son sens » confie Hugo, étudiant à l’ESC Toulouse, en charge de la page de son école qui réunit au final peu d’étudiants.

Un coup de buzz

Derrière cette effervescence Spotted, n’y aurait-il pas un coup marketing ? Car si pour certaines pages comme celle du Mirail ou d’UT1, l’initiative s’est faite de manière spontanée par les étudiants eux-mêmes. A l’université Paul-Sabatier par exemple, c’est l’agence « Spotted France » ou Mempyre – une agence de marketing – qui est l’origine de l’espace. Une agence qui en a profité pour regrouper toutes les pages des campus français sur son site et pour faire du buzz en expliquant le phénomène, sa supposée origine, son intérêt, etc. Pour le campus de l’université Paul Sabatier, « la page a été créée par l’agence « Spotted France » » nous confirme Deborah. « Ils ont créé à la hâte des pages Spotted pour beaucoup d’universités françaises, comme pour s’approprier le concept. On est deux « gestionnaires », et il y a un administrateur sous le nom de « Spotted France ». On en sait pas plus ».

Qui dit buzz sur Internet, pose la question de la durée de vie du phénomène en question. D’ailleurs, l’ébullition Spotted des premières semaines semble ralentir. Ceux que constate Lucile étudiante en lettres classiques et histoire de l’Art, une des quatre gestionnaires de la page Spotted du Mirail : « Je pense que c’est temporaire. Il y avait la même chose au métro Jeanne d’Arc, ça a tenu peut-être un an, et puis après les gens ont arrêté, je pense que c’est juste un phénomène qui va durer quelques mois ». Pour Marianne et Sophie, plus optimistes quand à l’avenir de leur page : « Il est possible que les gens se lassent, c’est ce que nous essaierons d’éviter, c’est tout le mal qu’on souhaite : que ça dure ! ». En tout cas, Spotted n’a pas fini de faire chavirer les cœurs ou de remuer les méninges des virtuoses de la prose. Pour quelques mois du moins.

*A la demande des interviewés, les noms ont été changés.