En plein débat à l’Assemblée nationale sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, il y a un milieu que l’on a peu entendu : le monde du sport, dans lequel il est encore difficile pour un joueur de révéler et d’assumer son homosexualité face aux craintes suscitées ou aux quolibets sur le terrain.
A Toulouse, Tou’Win une équipe loisir de rugby à XV « gay-friendly » créée en 2006 rassemble des joueurs de 18 à 50 ans, de toutes horizons et de toutes sexualités pour lutter, par le biais du sport, contre l’homophobie. Hubert Durieux, 38 ans, originaire de Toulouse, pilier et ancien ailier de l’équipe, mais aussi secrétaire de l’association, s’est prêté au jeu de passe pour « Univers-Cités ». Interview.
Univers-Cités : Dans le débat actuel sur le mariage pour tous, on voit une certaine résurgence de l’homophobie dans l’espace public. Comment le ressentez-vous ?
Hubert Durieux : Oui le ressenti est réel puisque la définition de l’homophobie, c’est en fait avoir peur des homos. Quand on entend des propos qui concernent les homos où on nous compare aux animaux, où on a peur par rapport au fait d’avoir des enfants autour de nous ou autres, c’est caractéristique de l’homophobie. Après, c’est sûr que ce ne sont pas des injures ou des propos comme on a pu en entendre dans le passé. Bien sûr que ça ne fait pas plaisir et personnellement je trouve que ça renforce mon engagement pour justement expliquer qui sont les homos, en tout cas dans leur diversité, puisque ce n’est pas un bloc unique.
Vous êtes secrétaire de l’association de rugby « gay-friendly » Tou’Win qui a pour but par les matchs que vous organisez de lutter contre l’homophobie. Comment en êtes-vous venu à rejoindre cette équipe ?
Alors ça a été un peu le hasard, par amitié d’un des fondateurs de l’équipe il y a sept ans maintenant. Je n’avais jamais fait de sport dans ma vie véritablement de part mon état d’homo, parce que je me voyais mal dans un vestiaire. Je ne savais pas trop ce que ça pouvait donner. Au début, j’y allais juste pour découvrir, faire un peu de footing, faire un peu de sport, puis finalement la bonne ambiance. Le fait qu’on ait toujours été une équipe assez structurée avec des coachs pour justement qu’on soit bon au niveau sportif, ça incite à rester et ça fait un moment que ça dure.
Justement, comment pourrait-on caractériser l’action de l’association ?
En fait, notre philosophie, c’est de montrer que des homos, des hétéros, des gens de toute sexualité peuvent faire du sport ensemble. En gros, chacun fait ce qu’il veut au niveau de sa sexualité, mais quand on est sur un terrain de sport, quand on est ensemble dans l’association, on est tous égaux. C’est par cette action-là qu’on met en œuvre notre lutte contre l’homophobie. Il n’y a pas de sélection au départ du moment que les gens ont envie de jouer au rugby ou au moins ont envie de découvrir. Avec cette philosophie-là, on a des gens qui vont de 18 à 50 ans sans aucun problème et justement avec une variété plus importante que dans les autres clubs de la région. C’est ça notre grande force : c’est qu’il y a beaucoup de gens qui se découvrent et qui se côtoient, ce qui n’est pas habituel dans les clubs de rugby où généralement on a toujours un point commun, soit le travail pour les équipes corporatistes, soit la ville ou le milieu familial.
En termes de résultats sportifs où se situe l’équipe Tou’Win cette saison ?
Alors nous sommes un club loisir. Ça veut dire qu’on est pas actuellement dans un championnat. Ça fait partie des objectifs de l’année prochaine de s’inscrire au championnat Alcatel. Pour l’instant, on a fait 3 matchs depuis le début de l’année. On essaye de se tenir à un match par mois contre d’autres équipes loisirs. Cette année on a eu deux matchs vainqueurs, un match perdu. Ensuite, deux matchs annulés pour cause de mauvais temps. On va dire que c’est la première année où on a des résultats qui sont bons avec l’équipe entière parce que dans le passé, comme on était en petit effectif, on faisait souvent appel à des aides extérieures, et la victoire n’avait pas la saveur d’une victoire d’équipe. En fait, si on arrive à ces bons scores, c’est parce qu’on a des entraînements réguliers et surtout des coachs qui nous poussent et qui vraiment nous managent bien sur le plan sportif.
Est-ce qu’aujourd’hui on peut dire que des progrès ont été faits en matière de lutte contre l’homophobie dans le sport professionnel et amateur ?
Oui. Indéniablement. C’est un sujet qui est un peu moins tabou qu’autrefois. Au niveau sportif, quel que soit le sport, il y a des sportifs qui se sont déclarés gays donc ça aide. Au niveau du rugby, c’est encore assez marginal, mais il y a quand même un ou deux joueurs de haut niveau qui l’ont déclaré – ndlr. Garret Thomas ancien joueur gallois du Stade Toulousain par exemple. Il y aussi les lois qui ont changé puisque maintenant les injures homophobes sont répertoriées comme de véritables injures et peuvent donner droit à des recours. Les gens sont plus prudents je pense. Après évidemment lors d’un match, il peut y avoir des noms d’oiseaux qui ressortent, et souvent les gens qui prononcent ça viennent s’excuser.
Pourquoi est-il encore si difficile pour un joueur de faire son coming out dans le rugby pro par exemple ?
Le problème du coming out, c’est qu’il est problématique dans la vie en général. Après dans le rugby notamment chez les pros, la question se pose comme pour tout gay dans son milieu professionnel. Ce qui dérange en fait c’est que forcément ce sont des sports de proximité avec des vestiaires, proximité de corps sur le terrain, etc. On en revient à ce qu’on disait au départ : quand les gens ne connaissent pas les homos, qu’ils ont cette homophobie en eux, ils s’attendent à tout. Ils ont peur qu’il y ait des gestes déplacés, que les gens profitent, etc. C’est justement quand on affiche qu’on est gay qu’on se rend compte que ça ne pose pas de soucis.
Justement vous quel a été votre parcours en tant que gay et amateur de rugby ?
Mon parcours, ça a été plus de 30 ans sans sport parce que je ne me projetais pas dans ce milieu-là. Je ne voyais pas où pouvait être ma place, et peut être aussi la principale homophobie, la plus dure c’est finalement celle que les homos intègrent eux-mêmes. Dans la vie, je ne peux pas dire que j’ai été victime de propos homophobes ou de situations homophobes, mais j’avais tellement intégré que les homos c’était pas normal qu’en fait je me freinais moi-même. Le fait d’être allé au rugby m’a aussi permis de me sentir moins isolé et du coup de faire mon coming out auprès de ma famille et de mes amis. Ça a été un petit moment de tension parce que l’acceptation n’était pas forcément gagnée, mais l’intelligence de ma famille et l’acceptation de mes amis a fait que ça s’est bien passé.
Pour contacter l’association de rugby à XV Tou’win:
06.69.05.58.85