Un marché du travail qui n’emploie plus, c’est la plus grande peur des jeunes diplômés, dont on rebat continuellement les oreilles : crise économique, secteurs bouchés, chômage étudiant… Au-delà des bilans un peu trop généralistes, la réalité est parfois toute autre.
Raphaelle Surun du Service des Relations extérieures et de l’Insertion Professionnelle de l’IEP de Toulouse et Marietta Daguts, chargée de l’orientation et de l’insertion professionnelle au Service Universitaire d’Information et d’Orientation (SUIO) de l’Université Toulouse 1 témoignent. Regards croisés de deux responsables averties.
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Raphaelle Surun
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« Univers-Cités » : A quel type d’élèves avez-vous à faire en général ?
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Marietta Daguts : Je remarque que la plupart d’entre eux ne s’inscrit pas dans une démarche professionnalisante. Lorsqu’ils viennent nous voir au SUIO, on essaye justement de leur donner le déclic, de leur faire comprendre qu’ils sont trop passifs vis-à-vis de l’emploi et pensent encore comme de simples étudiants. J’imagine que la fac ne les aide pas non plus à avoir une autre posture, et à prendre confiance en eux, au sens où ils n’y viennent que pour suivre des cours.
Raphaelle Surun : Je trouve que durant les cinq années qu’ils passent à l’IEP, les élèves changent beaucoup. Si on note chez certains, dans les premières années, une certaine anxiété sur la façon d’appréhender l’entreprise, avec l’âge et surtout l’expérience et les compétences, ils gagnent considérablement en assurance. Pour moi, l’année de mobilité et le stage de fin d’étude sont cruciaux et permettent aux élèves de prendre pleinement conscience du monde du travail.
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Quels sont les outils que vous mettez à la disposition des élèves pour les aider à intégrer le monde du travail ?
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M. D. : Nous travaillons selon deux méthodes différentes. Tout d’abord, on propose aux élèves un accompagnement collectif basé sur des ateliers d’aide à l’insertion, que ce soit pour les guider dans la construction de leur projet professionnel ou pour les aider à faire bon usage des principaux outils de communication que sont le CV, la lettre de motivation, et l’entretien d’embauche. Mais les élèves peuvent également bénéficier d’une préparation individuelle, qui prend plutôt la forme d’un accompagnement sur le long temps et d’une aide parfois psychologique.
R. S. : Le service que je gère vient d’avoir cinq ans, il est tout récent. Il participe de cette volonté revendiquée par l’IEP depuis quelques années de guider les élèves dans leur recherche d’emploi. C’est pour cette raison qu’il existe plusieurs périodes de stages obligatoires à Sciences Po et que les stages facultatifs sont favorisés. Plusieurs événements-phares ont également été élaborés pour favoriser l’emploi après les études. La « Semaine avenir » notamment qui a lieu très tôt dans l’année permet aux élèves de se faire conseiller sur leur CV, leur lettre de motivation et sur la manière dont ils doivent hiérarchiser leurs recherches. La « Journée insertion professionnelle coaching » permet, plus tard dans l’année, aux futurs employés de rencontrer des professionnels qui exercent dans le domaine qui les intéresse. L’inscription à l’Observatoire de l’Insertion Professionnelle (OIP) leur permet enfin lorsqu’ils sont diplômés d’accéder aux offres d’emploi. Je pense également que les élèves de Sciences Po bénéficient d’un réseau dû à la notoriété de l’école, qui fait qu’ils présentent d’emblée après l’obtention de leur diplôme des profils intéressants pour les employeurs.
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Quels principaux conseils donneriez-vous aux élèves pour les aider dans leurs démarches ?
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M. D. :Sans aucun doute, d’avoir plus confiance en eux ! Ils doivent savoir valoriser leur diplôme, leur formation et leurs expériences, sinon personne ne le fera à leur place. En dehors de cela, je ne pense pas qu’il y ait de conseils en soi, parce qu’en définitive tout dépend du profil de l’élève, de sa personnalité, de ce qu’il recherche.
R. S. : Le plus important, c’est de faire des stages le plus tôt possible. Il est également très important de les faire dans un domaine qui intéresse l’élève plus particulièrement. Naturellement, ces recherches vont le pousser à réfléchir sur lui, sur son projet professionnel, sur sa personnalité et ses aptitudes. Plus tôt il entreprend cette démarche, mieux cela vaut pour l’étudiant. Je pense également que le réseau est primordial. Il faut aller vers les gens, ne pas limiter ses rencontres et les entretenir tout au long de sa carrière. Pour cela, l’utilisation des réseaux sociaux notamment Viadéo et LinkedIn, parfois même Facebook, sont très intéressants. Recourir au réseau de l’IEP via l’OIP et le réseau des Anciens ou encore Interface peut aussi s’avérer instructif. Les « entretiens informatifs » qui consistent à prendre rendez-vous avec un professionnel pour discuter de son métier entretiennent également le réseau et vous permettent d’affiner vos attentes en matière d’emploi.
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Les élèves qui changent de voie ou reprennent les études après l’obtention de leur diplôme sont-ils nombreux ?
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M. D. : Déjà, la réorientation est extrêmement forte pendant tout le cursus universitaire, même si, plus le niveau d’études est élevé, moins elle est fréquente. Le changement de filière est volontairement très simple à la fac, et je connais peu d’élèves à qui on aurait refusé d’intégrer une autre filière. Dans tous les cas, cette démarche vient de l’élève, car les professeurs connaissent très rarement les étudiants et ne peuvent pas faire de suivi personnalisé.
R. S. : Durant leurs études, les élèves se spécialisent progressivement. Ce n’est qu’en 4ème année qu’ils choisissent parmi l’un des 11 enseignements de spécialité. En plus, la pluridisciplinarité est revendiquée par Sciences Po, ce qui permet aux élèves, après l’obtention de leur diplôme, de prétendre à des postes très divers dans des structures variées. Mais je n’ai pas l’impression que les réorientations soient si nombreuses.
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Qu’a changé la crise pour les étudiants selon vous ?
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M. D. :Je remarque qu’il y a de plus en plus de départs hors de la région Midi-Pyrénées et que les diplômés occupent des postes qui ne sont pas forcément en rapport avec leur domaine d’études. Mais on essaye de communiquer avec les élèves, notamment en les informant sur les secteurs qui recrutent bien. Dans tous les cas, je pense que le plus important dans la recherche d’emploi, reste la méthode, même si c’est la crise. Nous avons des élèves qui trouvent, c’est qu’il y a une raison.
R. S. :Je ne remarque pas une réelle remise en cause de l’insertion professionnelle, mais plutôt la multiplication et l’allongement de la période de stage. Plutôt qu’un CDI, les élèves trouvent plus facilement un stage même si leurs expériences sont probantes. L’IEP s’adapte donc en limitant les effectifs en 4ème et 5ème années dans les Masters professionnalisants. Cela n’aurait pas de sens de former un nombre trop d’important d’élèves, sachant que tous ne pourront pas trouver un emploi.