Seuls 1% des 15-29 ans sont bilingues en occitan en Midi-Pyrénées, d’après l’étude sociolinguistique dévoilée en septembre par le Conseil régional. Rencontre avec cette nouvelle génération qui fait le choix de parler la « lengua d’oc ».

Ils n’aiment pas les clichés. Audrey (22 ans) et Camille (25 ans) auraient pu vous donner rendez-vous à L’Estanquet, le bistrot préféré des Occitanistes. Mais c’est au Tchin qu’ils vous conduisent, dans un petit bar bien francophone près de St-Sernin. Avant ce soir-là, ils ne s’étaient jamais rencontrés, et pourtant il y avait comme une impression de déjà vu. « Dans le milieu occitaniste, on fréquente les mêmes lieux, les mêmes événements. On se reconnaît les uns les autres lorsque l’on se croise dans la rue », explique Camille. C’est une sorte de franc-maçonnerie. Une élite secrète, confidentielle.

Camille collabore avec le groupe occitanophone Mauresca
Camille collabore avec le groupe occitanophone Mauresca

Pour cause, seuls 1% des 15-29 ans sont bilingues en occitan en Midi-Pyrénées, d’après l’étude sociolinguistique dévoilée en septembre par le Conseil régional.
Fini le temps où l’occitan était la langue maternelle, transmise dans les familles de génération en génération. « Aujourd’hui, la majorité des occitanophones le sont par choix, déclare Audrey. Je viens du fin fond du Tarn. Là-bas, on leur a toujours appris que c’était mal de parler occitan. C’était une langue de bouseux. Mon père a honte de la parler. Mais au collège, j’ai pris conscience que si je ne faisais rien, toute une culture allait se perdre. Aujourd’hui, parler occitan m’est naturel. Et quand il me manque un mot, je fais du francitan ! »

Occitaniste, oui. Mais pas de la tête aux pieds

« Pour moi, c’était ringard », avoue Camille. Peut-être par rébellion vis-à-vis de ses parents, deux occitanistes engagés. Son père est président de la Fédération des Enseignants de Langue Occitane. « Je baignais là-dedans depuis tout petit. Mais le déclic est survenu plus tard, grâce au groupe Massilia Sound System (dont les chansons sont en occitan, ndlr). » Aujourd’hui, Camille vit entre Toulouse et Montpellier. Quand il ne travaille pas, il traîne avec ses potes musiciens, membres du groupe de reggae et hip hop occitan Mauresca.
« Selon moi, la tradition occitane doit se renouveler. En musique, cela implique de faire appel à la pop, au hip hop, à de vrais artistes… Je déteste le folklore poussiéreux. »

Occitaniste, oui. Mais pas de la tête aux pieds. Il est bien dans ses baskets. Il porte un tee-shirt de la marque streetwear Ecko. « Je suis contre les signes ostentatoires d’occitanisme. Dans mon esprit, j’associe ces symboles au nationalisme. La croix occitane me rappelle le drapeau tricolore que les militants FN brandissent à la fête de Jeanne d’Arc. » Audrey, elle, est moins radicale. « Je joue de la vielle à roue, par exemple. » Cette sorte de violon à manivelle est un instrument traditionnel. « Mais je fais aussi partie de l’équipe de France de derby roller, un sport hyper violent qui n’existe en France que depuis un an et demi. J’ai d’autres centres d’intérêt. »

Aucun sectarisme chez eux. Mais une petite frustration. « Nous n’avons plus honte, comme nos aînés, de parler cette langue, remarque Camille. Mais elle demeure une langue de seconde zone. Il faudrait lui donner un vrai statut, que l’occitan soit reconnu, à part entière, dans la Constitution, comme une langue de France ». Suite à la réforme de 2008, l’article 75-1 précise seulement que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ».