Plusieurs buralistes d’Occitanie se sont réunis ce lundi place Dupuy, à Toulouse, pour protester contre la nouvelle hausse du prix du tabac en France. Depuis le 1er février, le paquet de cigarettes atteint désormais 13 euros, un tarif bien supérieur à celui pratiqué chez les voisins européens. Une situation que les professionnels jugent de plus en plus intenable.

L’augmentation du prix du tabac passe mal chez les buralistes d’Occitanie. Rassemblés ce lundi matin à Toulouse, ils dénoncent une concurrence de plus en plus rude avec les pays frontaliers.

Alors que la France applique des hausses successives du prix du tabac pour des raisons de santé publique, en Espagne, un paquet de Marlboro coûte en moyenne 5,80 €, et en Andorre, à peine 5 €. Cet écart de prix pousse un grand nombre de fumeurs français à franchir la frontière pour s’approvisionner à moindre coût. Depuis Toulouse, des voyages en bus sont organisés à destination d’Andorre pour permettre aux consommateurs d’acheter du tabac bien moins cher qu’en France.

Les buralistes dénoncent une absence d’harmonisation européenne sur la taxation du tabac qui crée une situation de concurrence inégale. « Nous faisons face à une urgence nationale pour les buralistes. Il existe un paradoxe entre la volonté de réduire la consommation et augmenter les prix, ça n’a pas d’effet significatif. En réalité, cela déplace simplement la consommation vers le marché illégal. Un marché qui prospère en l’absence de contrôle et de taxation », déplore Frédéric Paihlé, président de la Confédération des buralistes de Haute-Garonne. « Nous savons qu’en 2023, 40 % des cigarettes fumées en France étaient de contrebande, avec ces augmentations, les projections sont de 50 % pour 2025. »

« Dans 15 ans le métier de buraliste ne sera plus viable il faudra se reconvertir. »

La hausse du prix du tabac entraîne une baisse continue de la fréquentation des bureaux de tabac. Selon les chiffres de la Confédération des buralistes de Haute-Garonne cette baisse de fréquentation pour 2024 s’élève à 12,5 % en moyenne. Ce recul a un impact direct sur la rentabilité des bureaux de tabac.

« La hausse du prix du tabac, c’est une catastrophe à chaque fois pour nous, car le tabac est un produit d’appel. Nous touchons 8,2 % du prix sur le paquet de tabac, cela nous permet juste d’attirer des clients sur d’autres produits » , explique Jean-Philippe, buraliste à Saint-Orens.

Certains buralistes s’interrogent sur la viabilité de leur métier à long terme. « Je me dégage chaque mois un salaire, mais mon bénéfice net réduit d’années en années et, à terme, ce ne sera plus viable. Moi, j’ai 36 ans, je suis persuadé que dans 15 ans, le métier de buraliste ne sera plus rentable, il faudra se reconvertir ailleurs », estime Axel, buraliste à Aussonne.

Une situation aux multiples conséquences dans la ruralité

Les buralistes des zones rurales sont parmi les plus touchés par ces évolutions. Dans de nombreux villages, lorsque le bureau de tabac disparaît, c’est tout un pan de la vie locale qui est affecté.

Dans des départements ruraux et de surplus lorsqu’il y a une proximité géographique avec une frontière, les fermetures de bureaux de tabac s’accélèrent. Jean-Michel Dexidour, président du syndicat des buralistes en Aveyron déclare : « En Aveyron, en 2024, dix bureaux de tabac ont fermé, ce qui représente 10 % des bureaux de tabac dans le département. Avec ces fermetures, c’est aussi dans la ruralité la problématique de la désertification des commerces de proximité qui inquiète. Sans tabac, qui est le poumon du village (sans mauvais jeu de mots), c’est tout le commerce d’un village qui s’effondre. Car s’il n’y a pas de tabac dans le village, les gens ne viendront pas non plus chercher le pain. »

Un marché parallèle en pleine expansion

Parallèlement à la baisse de fréquentation des bureaux de tabac, le marché noir connaît une croissance fulgurante. En 2023, 40 % des cigarettes fumées en France provenaient de la contrebande. Un chiffre qui devrait atteindre 50 % en 2025 si la tendance actuelle se maintient selon Frédéric Paihlé.

Dans les grandes villes comme Toulouse, il n’est pas rare de voir des paquets vendus sous le manteau dans les épiceries de nuit ou même dans la rue. Les prix y sont inférieurs à ceux des bureaux de tabac, oscillant entre 8 et 10 euros le paquet. « Dans un moment où on nous bassine avec la lutte contre le narcotrafic, les vendeurs de cigarettes de contrebande ne sont eux pas suffisamment traqués », déplore un buraliste présent lors de la mobilisation.

Cette vente clandestine prospère malgré les risques d’amendes et de fermetures pour les commerçants qui s’y adonnent. Le manque de contrôles et de sanctions dissuasives favorise la prolifération de ce commerce illégal, au détriment des buralistes.

« Si la hausse du prix du tabac vise officiellement à réduire la consommation, elle a surtout pour effet de déplacer les acheteurs vers des circuits parallèles, qu’ils soient légaux à l’étranger ou totalement illégaux sur le territoire national », souligne Frédéric Pailhé dans le communiqué qu’il lit devant les buralistes présents.

Photo : Marco Cunill