Suite à l’accord de sortie de crise, signé mercredi 4 mars, par le LKP (Liyannaj kont pwofitasyon) en Guadeloupe, Univers-cités a rencontré Karine Gomes, présidente de l’AGART (1), une amicale qui soutient le mouvement depuis Toulouse. Trois manifestations ont été organisées dans les rues toulousaines à l’initiative de l’AGART.

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« Il faut que ça bouge »

Selon Karine Gomes, les Guadeloupéens ont commencé à s’organiser à l’investiture de Barack Obama, véritable espoir pour l’entrée en politique des noirs. Les Guadeloupéens ressentent encore une forte ségrégation raciale qui se traduit par un clivage social. « A chaque fois, les patrons, ce sont les blancs. L’esclavage est aboli mais le système reste le même », déplore Karine Gomes. Pour la jeune femme, tout fonctionne en réseau et à l’échelle d’une île, les effets négatifs sont multipliés. Même avec un bagage d’études, difficile d’être patron pour un noir, chasse gardée pour les « békés »(2).

La grève, déclenchée à l’origine par un ras-le-bol de l’inflation, a donné l’occasion de dénoncer ces héritages post-coloniaux. Depuis la métropole, l’importance de l’inflation en outre-mer est peu palpable. Pourtant c’est à cette réalité quotidienne que les Antillais doivent faire face. En effet, pour ne citer qu’un exemple, un Guadeloupéen dépense 5.12 euros pour un kilo de riz Uncle Ben’s, alors qu’il en coûte 2.60 euros à un métropolitain (3). C’est parce que les îles produisent peu qu’elles sont contraintes à l’importation, ce qui augmente les prix.

« On est un peuple combatif et solidaire »

Une grève de 44 jours n’aurait jamais été possible sans la solidarité des mobilisés. « L’entraide est dans notre culture, ce n’est pas de la mendicité » affirme Karine Gomes. Les efforts des grévistes n’ont pas été vains, ils ont conduit à la signature d’un l’accord. Ce texte est composé de 165 articles, la plupart régulent les prix sur les biens de consommation (eau, transports, gel du prix du pain). L’essentielle avancée de l’accord s’articule autour des 200 euros d’augmentation mensuelle pour les bas salaires. Cependant, le LKP reste prudent puisque plusieurs organisations patronales ont refusé de signer, notamment dans la grande distribution.

« Je pense le mouvement positif »

Selon Karine Gomes, les médias métropolitains ont mal relayé les événements au début de la grève. C’est pourquoi ses proches sur place l’ont tenue informée du mouvement. Elle perçoit la mobilisation comme ayant été pacifiste, malgré la mort du syndicaliste Jacques Bino.

L’île avait en effet connu de violents affrontements dans le passé. En 1967, un mouvement revendiquait une augmentation de salaire de 2,5 %. Une sévère répression a entraîné la mort d’environ 200 personnes selon les Guadeloupéens, mais seuls 87 sont officiellement reconnus.

La Guadeloupe a reçu en partie satisfaction, mais le mouvement continue en Martinique et gagne l’Océan indien, à La Réunion. Aussi, l’AGART entend poursuivre son soutien à l’outre-mer.

(1) Amicale des Guyanais et Antillais de la région toulousaine http://agart31.blogspot.com
(2) Blancs installés sur l’ïle depuis plusieurs générations
(3) Données recueillies par Timothé Booty (site de l’AGART : http://agart31.blogspot.com)