Fondé en décembre dernier, le parti Reconquête!, avec à sa tête l’ancien polémiste et candidat à la présidentielle, Éric Zemmour, avance à tâtons. Entre une peur réelle de représailles et la paranoïa, à Toulouse aussi, le parti s’organise pour ne prendre aucun risque.

Réunions sur invitations, collage d’affiches en pleine nuit, adresses contrôlées… La liste est longue pour décrire toutes les précautions prises par les quelques membres du parti Reconquête! dans la région toulousaine. Si ces mesures peuvent paraître excessives, les adhérents et militants du parti semblent tiraillés entre se faire connaître de tous et éviter que tous les connaissent.

Une peur bien fondée ?

Depuis la création du parti, les militants ont pour certains vécu des échanges musclés dans certains quartiers de la Ville rose lors d’opérations de tractage. « Des jeunes nous attendaient au Mirail, ils avaient des couteaux et ont crevé nos pneus. Rien qui ne nous donne envie d’y retourner de sitôt sans un service de sécurité », déplore Victor Filippi, responsable Occitanie de Génération Z, section jeune du mouvement. « Un de nos membres s’est même fait frapper avec des poings américains par des personnes masquées », ajoute-t-il.

Pour le jeune homme, élève en troisième année de droit à l’université Toulouse 1 Capitole, « il est nécessaire de prendre des précautions pour éviter cela ». Il évoque même lors d’une réunion des adhérents tenue secrète, « qu’il n’est plus possible de recruter dans des bars, car les antifas connaissent des membres et les suivent dans la rue ». Il  propose donc à son assemblée de prêter des appartements pour organiser des réunions de recrutement pour les militants. Dans la même optique, les collages d’affiches se font dans le secret le plus total la nuit tombée, et les adresses et noms des membres sont controlés. « Je te donnerai mon numéro, mais pas mon adresse, on ne sait jamais », déclare Arthur, 41 ans, responsable de circonscription, à un militant lors d’une séance de questions-réponses dans la même réunion. Manque de moyens ou peur d’être suivi, la paranoïa semble parfois prendre le dessus, même entre les membres du parti.

Le risque de l’entre-soi

Lors de la première réunion de circonscription dans la salle du Sénéchal, au centre-ville de Toulouse, près de 200 adhérents étaient présents (sur les 2200 que déclare le parti en Haute-Garonne) pour célébrer leur candidat et poursuivre l’organisation de la campagne à l’échelle locale. S’il n’est « pas question d’une réunion qui se veut entièrement cachée », selon Véronique, une militante de 59 ans, seuls les gens inscrits à l’événement peuvent participer. « On ne veut pas organiser de réunion publique, nous savons très bien que nous ne sommes pas considérés comme un parti comme les autres, alors pour l’instant nous organisons cela entre nous », avoue Victor Filippi. Ainsi, lorsque Noémie, 19 ans, élève en école d’ingénieur, blague sur « la bonne ambiance familiale » qui règne entre les militants lors de cette réunion, il est facile de se dire qu’un certain entre-soi est de mise dans ce type d’événement.

Dans l’espace médiatique aussi, le parti se cantonne encore à ses zones de confort. « Les médias sont dans le camp rival, on ne peut s’exprimer librement que sur CNews et Valeurs actuelles », estime Gérard Danen, responsable Haute-Garonne du parti. Si les cadres régionaux souhaitent faire venir le candidat dans la région pour un meeting, le grand public ne semble quant à lui pas encore convié. À noter que les militants organisent des séances de tractage dans les marchés toulousains, et y rencontrent la population sans le moindre heurt.

 

Crédit photo : Nelly Metay