Le Sénat a examiné hier le projet de loi d’orientation agricole qui crispe les défenseurs de l’environnement. Le 29 janvier, le Sénat avait introduit une proposition de loi dans le projet de finance 2025 visant à supprimer l’Agence Bio. Cela questionne la place du bio en France, mais surtout sur son avenir.
« Je me rappelle que dans les années 2000 on voyait des papillons partout et aujourd’hui plus du tout. C’est révélateur. Les herbicides et les fongicides sont un réel danger pour l’environnement et la santé », affirme Yuri Chrétien, producteur laitier bio. Il tient la ferme de son père Dominique qui a commencé le bio en 1996. « Les gens le prenaient pour un hippie qui ne voulait pas vivre avec son temps », lance Yuri en riant.
Selon le jeune agriculteur, les mentalités ont commencé à changer dans les années 2017-2018. On observe toutefois une augmentation chaque année des surfaces agricoles biologiques, comme on peut le voir ci-dessous sur ce tableau produit par l’Agence Bio en 2024.

Créé en 2001, cet organisme « joue un rôle essentiel dans l’essor des filières biologiques françaises et dans la promotion du label bio auprès du grand public », selon une tribune signée par plus de 1400 personnes publiée dans le Monde.
Alors qu’en 2008, le nombre d’exploitations bio s’élevait à plus de 13 000 sur le territoire français, aujourd’hui on en compte plus de 61 000. Les exploitations de vaches laitières sont particulièrement concernées par cette augmentation du bio, malgré un recul en 2023.
Une crise de bio
Alors que le secteur connaît une croissance stable pendant la décennie 2010-2020, le bio connaît un moment de crise depuis 2020. « D’un coup, la situation s’est retournée avec l’inflation, les gens avaient moins d’argent et il y a eu des doutes sur la qualité du bio », explique Amélie Berger, coordinatrice de projets à Océbio, une association qui réunit les entreprises du bio. Une situation que Yuri Chrétien confirme : « Il y avait une hausse de la consommation chaque année, mais aujourd’hui le bio n’est plus une priorité pour les gens. »
Depuis plusieurs années, les acteurs du bio travaillent sur la communication auprès des consommateurs. L’objectif est d’expliquer l’importance du bio, la plus-value pour la santé et l’environnement. Mais aussi de rassurer les consommateurs sur la qualité et les contrôles – nombreux – pour les agriculteurs bio. Tous ces efforts de communication sont coordonnés par l’Agence Bio, qui a prévu de lancer un nouveau programme au salon de l’agriculture le 22 février prochain. Pour Amélie Berger, ces efforts de communication sont essentiels pour une reprise de la consommation bio.
Au-delà de la communication, l’Agence Bio est « l’observatoire national du bio ». La structure recense chaque année les données sur les certifications délivrées aux agriculteurs et sur la consommation annuelle. Une « ressource précieuse » pour les acteurs du secteur bio qui traversent une période difficile.
Par ailleurs, l’Agence Bio accorde des fonds que l’instance négocie avec le Ministère de l’Agriculture. Ces fonds permettent aux agriculteurs de se convertir au bio mais également de créer des structures en tant qu’agriculteurs et distributeurs. « On relie l’amont et l’aval, affirme Amélie Berger. On est en train de traverser une crise dans le bio, ce n’est pas le moment d’en rajouter une couche, on a besoin de l’Agence Bio. Le signal politique est terrible. »
« L’Agence Bio, c’est le lieu où on est tous ensemble »
L’Agence Bio sert également de lieu de réunion pour tous les acteurs du secteur. Une instance de discussion unique qui réunit un large éventail de participants. « Tous les corps de famille et toutes les sensibilités sont représentés. Sans l’Agence Bio, chacun avancerait dans son coin », explique Amélie Berger.
L’instance a par exemple mis en place depuis plusieurs années des programmes de communication pour promouvoir le bio. La structure aide également le développement de filières courtes, locales et biologiques pour éviter les filières longues venant de l’étranger par exemple. Un modèle en pleine construction, coordonné et financé par des fonds de l’Agence Bio. Les consommateurs se tournent de plus en plus vers des filières locales, comme l’observent Yuri Chrétien et Amélie Berger. Néanmoins, ce modèle doit encore être développé et l’Agence Bio est un des acteurs principaux de ce renouveau.
« Une chose intéressante, c’est que tous les syndicats d’agriculteurs se sont opposés à la fermeture de l’Agence Bio », témoigne Aurélie Berger. Une décision qui fait donc l’unanimité dans les rangs de l’agriculture et du secteur bio.
« Même si l’Agence Bio est supprimée, le bio va continuer à tourner », affirme Yuri Chrétien avec espoir. La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a déclaré être contre cette suppression malgré le vote pour du Sénat en janvier dernier. Les discussions se poursuivent au Sénat puis dans la Commission mixte paritaire. « A priori, la Commission mixte paritaire a enlevé l’amendement [sur la suppression de l’Agence Bio]. Normalement, l’Agence Bio est sauvée, en tout cas pour cette fois ! », espère Amélie Berger.
Photo : Katerina Vulcova