La colère gronde chez les diplômés de l’enseignement supérieur français. L’hexagone compte près de 300 000 étudiants étrangers. Les 10 % d’entre eux qui ne sont pas des ressortissants de l’Union Européenne sont visés par un texte qui restreint leur accès au travail.

Ce sont précisément ces quelques 3 000 étudiants qui sont concernés par la circulaire du 31 mai, dite « circulaire Guéant » – rédigée par le ministre de l’Intérieur et cosignée par Xavier Bertrand, ministre du Travail – qui affiche ouvertement un objectif de « maîtrise de l’immigration professionnelle » Texte disponible en version PDF sur le site du Figaro.

Ce texte enjoint l’administration à délivrer de moins en moins de changements de statut (CDS) aux étudiants, c’est-à-dire de titres de séjour professionnel.

« Le nombre d’étrangers entrant en France pour motif professionnel, à l’exception des travailleurs temporaires et saisonniers, des salariés en mission et des travailleurs hautement qualifiés, doit diminuer, conformément à l’objectif national annoncé récemment », peut-on lire dans la circulaire.

Dans ce contexte, priorité est donnée aux diplômés français, exception faite pour les métiers dits « en tension », dont la liste a été réduite à 14 le 11 août. En d’autres termes, seuls 14 métiers sont aujourd’hui ouverts aux diplômés du système universitaire français qui ne sont pas des ressortissants communautaires.

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Des carrières prometteuses avortées

Qu’importe si les recruteurs ont déjà confirmé à ces diplômés des promesses d’embauche qui, une fois entérinées, les hisseraient parmi les cadres supérieurs en France. Parce qu’on retrouve, parmi les ressortissants extra communautaires concernés par cette circulaire, des diplômés de Sciences Po, de Polytechnique, ou encore d’HEC …

Aboubaker est tunisien. A 25 ans, il vient d’être embauché en tant qu’ingénieur de service après-vente par la filiale d’un grand groupe.
« Je suis arrivé en France en 2004 pour faire mes études à l’INSA de Toulouse, confie le jeune homme. Par la suite, j’ai intégré l’Ecole centrale de Paris ».

Aboubaker a formulé une demande de changement de statut au mois de juillet dernier. Il devrait obtenir une réponse de la préfecture avant le mois de novembre, mais il s’attend déjà à un refus. Bien que déçu à l’idée de quitter la France après toutes ces années, le jeune Tunisien a tout de même prévu une solution de sortie. Il explique : « j’ai demandé à ma boîte si je pouvais signer un contrat de travail en Belgique, là où se situe son siège social. Ma demande a été acceptée et va même être accélérée, car ils ont besoin de mes compétences ».

A Paris, les étudiants étrangers qui sont dans la même situation qu’Aboubaker ont créé le « Collectif du 31 mai ». Le 3 octobre 2011, le collectif a ouvertement réclamé le retrait de la circulaire. La semaine dernière, ils étaient plusieurs centaines à manifester devant les locaux parisiens de la Sorbonne. Lors de ce rassemblement, nombre d’étudiants ont mis à la poubelle les diplômes qu’ils avaient obtenus, pour bien montrer que, dans le contexte instauré par la circulaire, leurs certifications ne leur sont plus d’une grande utilité.

Leurs revendications ne restent pas sans écho ; en effet, depuis la rentrée, la conférence des grandes écoles, celle des présidents d’université, ou encore les recruteurs, relaient le message de ces étudiants. Ils dénoncent tour à tour des délais d’attente de réception d’une réponse trop longs, la dégradation des conditions d’information dans les préfectures, ainsi que la multiplication des refus de CDS.

Du côté du gouvernement, c’est l’intérêt des pays d’origine de ces ressortissants extracommunautaires qui est mis en avant. « Il convient toutefois de rappeler que les étudiants étrangers ont prioritairement vocation, à l’issue de leur séjour d’études en France, à regagner leur pays pour y mettre en œuvre les connaissances acquises », annonce la circulaire.

Invité au micro de France Inter le 9 octobre 2011, Henri Guaino précise : « On ne peut pas absorber les forces vives des pays du Sud ». Le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy fait notamment référence au manque de médecins tunisiens. Un déficit qui, selon lui, pourrait conduire la Tunisie à refuser que ses étudiants suivent leurs études en France.

Si un retrait de la circulaire ne semble pas, pour l’heure, envisagé, il serait possible en revanche que certaines dispositions fassent l’objet d’une révision.