L’économiste Thomas Piketty était au théâtre Garonne, le 20 novembre dernier, pour y présenter son dernier livre, « »Le» Capital au XXIe siècle ». Une conférence organisée par la librairie Ombres Blanches, au cours de laquelle l’économiste a présenté son projet d’impôt mondial sur le capital pour réduire les inégalités.

Thomas Piketty (à droite) en conférence au théâtre Garonne. / Photo Florian Bardou

A première vue, Thomas Piketty n’a pas vraiment le profil d’une rockstar. Diplômé de l’Ecole normale supérieure et de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, cet économiste a contribué à la fondation de l’Ecole d’économie de Paris, dont il est aujourd’hui l’un des enseignants. Pourtant, c’est devant une salle bondée qu’il a présenté son dernier livre, Le Capital au XXIe siècle, au théâtre Garonne, en compagnie du professeur d’économie Olivier Brossard.

Parmi les spectateurs, beaucoup d’économistes, bien sûr, mais également des étudiants et des retraités curieux de découvrir le contenu du nouvel ouvrage de Thomas Piketty (voir encadré ci-dessous), à l’image de Valentin, en cinquième année à Sciences Po Toulouse : « C’est un grand économiste aux positions hétérodoxes, notamment parce qu’il intègre sociologie et histoire à son propos, explique-t-il. Par ailleurs, sa proposition de taxation du capital m’intéresse beaucoup, face aux inégalités qui gangrènent notre société actuellement. C’est pourquoi j’avais envie d’assister à cette conférence. »

Du patrimoine au capital culturel

Longuement interrogé par le public sur les politiques monétaires menées à travers le monde, Thomas Piketty a justifié la naissance du Capital au XXIe siècle par la volonté de donner à ses lecteurs des clefs de compréhension des problématiques économiques actuelles : « Il faut arrêter de faire passer l’économie pour un champ inaccessible aux citoyens, argumente l’économiste. C’est un domaine à la portée de tous. C’est la raison pour laquelle chacun est libre d’écrire sa quatrième partie au terme de sa lecture, et d’envisager ses propres solutions pour combler les inégalités. Ma proposition d’un impôt mondial sur le capital n’est qu’une contribution personnelle au débat qui agite nos sociétés. »

Mais, s’il est en revanche un instrument indispensable pour réduire les inégalités, c’est bien l’éducation. « Première force de réduction des inégalités, l’éducation permet la convergence des salaires » : un point de vue que partage largement le public, séduit par les propositions de Thomas Piketty. « Les niveaux de revenus sont des fonctions croissantes des niveaux de formation, confirme Jean-Louis Guy, professeur d’économie à l’IEP de Toulouse. Investir dans l’éducation, c’est faire perdre des pouvoirs de marché à ceux qui sont en haut, puisque les citoyens auront un nombre d’années d’études plus important. Cela dit, il est impossible d’envisager un meilleur système éducatif sans une nouvelle politique fiscale. En ce sens, Le capital au XXIe siècle se tient parfaitement. »

Le Capital au XXIe siècle

Fort de 970 pages, l’ouvrage de Thomas Piketty est le fruit de quinze années de compilation de données sur la répartition des richesses en France et dans le monde. Chiffres et graphiques à l’appui, l’économiste met en exergue l’évolution de la concentration du capital entre le XIXe et le XXIe siècle. Il y souligne qu’au XXe siècle, les destructions provoquées par les deux guerres mondiales ont conduit à une réduction des patrimoines. Le capitalisme de reconstruction a ainsi offert la possibilité à la génération du baby-boom d’accéder au patrimoine grâce à l’épargne. Mais le tournant conservateur des années 1980 a depuis rétabli une prospérité patrimoniale semblable à celle de la « Belle Epoque », avant la Première Guerre mondiale : de quoi remettre durablement en cause l’espoir méritocratique d’accéder au capital par le biais des revenus du travail et rendre les inégalités inacceptables.

Un ancrage historique qui permet à Thomas Piketty de prouver que les inégalités sont vouées à se creuser dès lors que le rendement du capital est supérieur à la croissance du PIB, d’où la nécessité de développer des moyens pour enrayer ce phénomène. Pour remédier au problème, l’économiste présente une proposition phare : taxer le capital sous forme d’un impôt mondial. Une « utopie », selon ses propres termes, qui suppose en effet une plus grande coopération entre Etats, mais que Thomas Piketty ne désespère pas de voir un jour naître, sans quoi il convient d’envisager un « risque de soulèvement très fort » en réponse au creusement d’inégalités devenues « extrêmes » et, par voie de conséquence, « inacceptables ».