Le sport est un acteur majeur de la diplomatie. C’est l’idée phare de Pascal Boniface, venu à Toulouse dans le cadre de la sortie de son nouvel ouvrage, Géopolitique du sport.

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« Sport et politique sont indissociables. Les sportifs disent ne pas faire de politique, mais ils en font en permanence ». Le ton est donné dès l’introduction. A ceux qui parlent de superficialité du sport, Pascal Boniface, fondateur de l’Institut de relations internationales et stratégies (Iris) connu pour son amour du football, réplique par des exemples signifiants.

Le phénomène est loin d’être nouveau : lorsque Pierre de Coubertin lance les Jeux Olympiques modernes en 1894, l’un des objectifs est de pacifier les relations internationales. Le second, peut être moins avouable, est « de préparer militairement les jeunes français à la revanche sur les allemands » – suite à la guerre Franco-Prussienne de 1870. La première édition se tiendra deux ans plus tard à Athènes.

Les joueurs « sont l’équivalent de ce qu’étaient les philosophes et les intellectuels »

C’est également l’exemple de la « diplomatie du ping-pong » : en 1971, au cœur de la guerre froide, une équipe de tennis de table américaine passe la frontière de la République Populaire de Chine. Une première depuis 1949. Un peu plus tôt, en 1956, une équipe du Front de Libération Nationale algérien (FLN) joue plus de 80 matches. Composée de footballeurs algériens de France métropolitaine, elle ne sera pas reconnue par la Fédération internationale de football association – plus connue sous le nom de FIFA. Elle laissera sa place à l’équipe d’Algérie en 1963.

Sport et mondialisation, un cocktail qui marche

Aujourd’hui, le constat est d’autant plus flagrant que la « mondialisation » est passée par là. « Le sport, comme la mondialisation, est une contraction du temps et de l’espace ». Il ne viendrait sûrement pas à l’esprit d’un pays de rater une compétition mondiale à cause d’un trajet trop long, comme ce fut le cas par le passé – l’aviation a modifié la donne, rapprochant les pays, « contractant l’espace », et les sports. Le lien entre les deux est entièrement pensé, et justifié : « Lorsqu’un fond d‘investissement d’un pays du Golfe achète un club parce qu’il y a la tour Eiffel sur le maillot, qu’il fait venir un entraineur italien parce qu’il est plus apte qu’un néo-calédonien à gérer l’égo d’un suèdo-croito-bosniaque et fasse ensuite venir des Etats Unis une vedette anglaise pour conquérir les marchés asiatiques », il y a un lien clair entre sport et mondialisation. Paris, oh Paris.

« Quand l’équipe nationale joue, il n’y a plus de gauche, de droite, de religion »

Si le sport est politique et mondialisé, c’est notamment parce qu’il est médiatisé, donc influent. « La puissance classique, c’est surtout le pouvoir de contraindre. Aujourd’hui, c’est plutôt le pouvoir de convaincre ». L’image du sportif est un pouvoir d’attraction. Preuve s’il y a besoin : toute la salle admet connaître le footballeur Cristiano Ronaldo. Et personne n’est capable de citer le nom du premier ministre portugais – Pedro Passos Coelho, après recherche. Jusqu’à dire que les joueurs « sont l’équivalent de ce qu’étaient les philosophes et les intellectuels, même s’ils n’ont pas le même vocabulaire ». Bien loin donc de l’image générale qu’on attribue souvent au footballeur, moins bien loti que le sportif.

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« Qui est Zlatan ? »

Ils apparaissent aujourd’hui comme de véritables « ambassadeurs universels », ayant un impact direct sur l’image d’un pays. Lorsque la statue de Zlatan Ibrahimovic, joueur emblématique (autant pour son caractère que pour son jeu) du Paris-Saint-Germain, est inaugurée au musée Grévin, l’ambassadrice de Suède Veronika Wand-Danielsson est présente. « S’ils veulent qu’on parle de la Suède en France, il faut attirer l’attention par rapport à un sportif médiatiquement connu et reconnu ». Au fond de la salle, une jeune fille souffle discrètement à sa voisine : « Qui est Zlatan ? ». Un ambassadeur (presque) universel donc : si le sport se popularise et possède un impact majeur, surtout lors des grands événements, il ne faut pas non plus surestimer son influence nationale.

Cela n’empêche pas le sport d’être un véritable facteur d’unité. Exemple marquant, « l’Equipe de football des Diables Rouges est sûrement l’un des derniers liens entre les Wallons et les Flamands ». Plus le sport se mondialise, plus l’identité nationale se resserre. « Quand l’Equipe nationale joue il n’y a plus de gauche, de droite, de religion ». A nuancer dans quelques rares cas, où les rivalités internes prennent le pas sur le national.

En parlant de niveau national, Pascal Boniface ne peut s’empêcher de glisser un mot sur l’équipe toulousaine, comme une dédicace. « J’espère que Toulouse va rester en ligue 1. Le club et Sadran (ndlr : le président du Toulouse Football Club) le méritent ».