Depuis le soir du premier tour de l’élection présidentielle 2017, le candidat d’extrême-gauche Jean-Luc Mélenchon refuse de donner une quelconque consigne de vote à ses sympathisants pour le second tour. Un choix dans l’esprit de son mouvement la France Insoumise, désireux de ne rien imposer à 19,6% de l’électorat qui s’est exprimé le 23 avril. Alors qu’à Toulouse, Jean-Luc Mélenchon a devancé tous les autres candidats avec 29 % des voix, sa position actuelle ne signifie pas qu’il rend les armes dans son combat face au Front national. Un combat qu’il entend poursuivre avec son mouvement dès les élections législatives de juin prochain.

Est-ce vraiment la marque d’un insoumis ? Ou d’un candidat qui digère encore mal sa défaite dominicale ? Il est vrai que la vague Mélenchon pouvait bien tout renverser à la veille du premier tour de la présidentielle 2017. Dans son camp et même au-delà, les derniers instants précédant le dimanche 23 avril ont laissé penser que sa qualification était possible.

Le candidat de la France Insoumise l’affirme lui-même: « ça s’est joué dans un mouchoir de poche ». Justement, Jean-Luc Mélenchon s’est refusé à sortir le sien en constatant sa non-qualification ainsi que l’affiche du second tour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

30 minutes de vidéo, pas de consigne de vote

Vendredi 28 avril, la chaîne YouTube de Jean-Luc Mélenchon a été scrutée toute la journée. L’attente était portée sur la potentielle consigne de vote du quatrième homme de cette présidentielle. Finalement, aucun appel n’a été lancé au cours des 30 minutes de sa « 26e revue de la semaine ».

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Concernant son vote personnel dans cette vidéo, Jean-Luc Mélenchon n’indique rien mais interroge :

« Il y a un doute sur quoi ? Sur ce que je pense du Front national ? Mais moi, mon opinion, elle est affichée sur tous mes habits depuis cinq ans. » (17’25)

Cet agacement d’entre-deux tours rompt avec son attitude de 2002, lorsqu’il s’insurgeait contre la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle en appelant à voter contre le candidat du FN. Quinze ans plus tard, la présence de la fille Le Pen au même stade de l’élection pouvait donc rappeler Jean-Luc Mélenchon au combat qu’il a mené. Un seul changement: une prise de distance vis-à-vis du front républicain qui s’est mis en place dès le soir du 23 avril.

Nationalisme et libéralisme: ennemis inégaux en 2017

Comment expliquer un tel changement? Militant actif du Mouvement jeunes communistes (MJC) en Haute-Garonne, allié à Mélenchon dans une campagne « critique et autonome », Paul Dumont juge que le candidat n’est en 2017 que « le porte-parole d’un mouvement dont il porte la voix ». Alors, la consigne de vote n’aurait pas de légitimité « loin des appareils classiques qui prônent une vraie discipline électorale », estime à 21 ans ce représentant des étudiants à Sciences Po Toulouse.

Libres de leur choix, les Insoumis sont par ailleurs composés de personnes qui n’ont, pour la plupart, pas connu le combat de leur mentor contre le Front national. Antoine Bertrand, 20 ans et adhérent du mouvement France Insoumise sur Toulouse, hésite à s’abstenir le 7 mai. « On peut comprendre que de nouvelles générations n’ont pas connu cet idéal de front contre le FN et se battent depuis cinq ans contre le libéralisme », analyse-t-il. Difficile donc pour lui d’envisager le vote Macron malgré la présence du FN au second tour.

L’abstention et le vote blanc prédominent

Dimanche 30 avril, Jean-Luc Mélenchon a voulu préciser au 20 heures de TF1 qu’il ne « voterai[t] pas Front national », tout en évoquant la « terrible erreur » d’un tel choix parmi ses sympathisants. Là-dessus, ces derniers se sont prononcés au nombre de 243 128 dans une consultation nationale effectuée sur Internet. Dans les résultats dévoilés mardi 2 mai, on constate que l’abstention (29%) et le vote blanc (36%) dominent chez les électeurs de la France Insoumise. Le vote Macron recueille quant à lui 35% des intentions.

La question du comportement électoral des Insoumis concerne Toulouse, qui a porté Jean-Luc Mélenchon à la première place lors du scrutin du 23 avril. Selon le ministère de l’Intérieur, 56 769 Toulousains soit 29,17 % des suffrages exprimés ont voté en faveur du candidat d’extrême-gauche au premier tour de la présidentielle. Et preuve de la forte mobilisation toulousaine autour du candidat, près de 70 000 personnes (chiffre annoncé par son équipe de campagne) avaient assisté à son meeting du 16 avril sur la praire des Filtres.

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Au lendemain de la présidentielle, les élections législatives des 11 et 18 juin prochains sont la prochaine étape que ne veut pas manquer le mouvement de la France Insoumise sur Toulouse. Avec une quatrième place et 19,6 % des suffrages obtenus au niveau national, contre seulement 11% en 2012, Jean-Luc Mélenchon et son mouvement pourraient devenir un poids lourd de l’opposition qui se jouera à l’Assemblée. « Si on n’accorde pas une large majorité à Macron, on pourra davantage peser dans l’opposition. Ça part de là l’abstention », justifie Antoine Bertrand.

Sur Toulouse, certains imaginent déjà une place cédée à Jean-Luc Mélenchon par son porte-parole Manuel Bompard, aligné dans la 9e circoncription. « Il n’y a que des rumeurs pour l’instant », conclut le militant et étudiant de 20 ans. En attendant, jusqu’au 7 mai, Emmanuel Macron et Marine Le Pen continueront à séduire les Insoumis. Pour bouleverser leur tentation vers le « ni-ni ».