Au lendemain du premier tour de la primaire de la Belle Alliance Populaire, le Parti socialiste (PS) connaît déjà un véritable schisme. La bataille entre le candidat « le plus à droite » du PS et l’ex-ministre de l’éducation force les traits qui opposent deux visions de la gauche. Après la victoire de Benoît Hamon, nombre de vallsistes sont indécis. Même au sein des partis de la Belle Alliance Populaire, le rassemblement, tant vanté pendant les cinq semaines de campagne, ne paraît pas si évident. Pour cause, le candidat En Marche sait séduire certains déçus de la primaire. On fait le point sur les soutiens en Haute-Garonne.

Ils suivent Hamon

Un bilan et un discours trop en rupture avec le PS de gouvernement, mais un candidat, désigné par les urnes tout de même. Au lendemain du résultat une large part des socialistes s’engage dans les rangs de Benoît Hamon. Parmi eux, en Haute-Garonne, Christophe Borgel, député de la neuvième circonscription, mais aussi chef d’orchestre de l’organisation des primaires.

Dans un tweet, Georges Meric, président du conseil départemental qui avait laissé comprendre qu’il apportait son soutien à Manuel Valls lors du premier tour de la primaire, reconnaît la victoire de Benoît Hamon. Il déclare : « il est notre candidat à l’élection présidentielle ». Sans plus d’enthousiasme, Carole Delga a également félicité l’ancien ministre de l’Éducation et laissé entendre sur Twitter qu’elle lui apportait son soutien.

Le député de la dixième circonscription de Haute-Garonne Kader Arif, initialement soutien de Vincent Peillon, s’est également « naturellement » tourné vers le candidat élu. Simon Viguer, son attaché parlementaire, explique : « En tant que démocrate, il respecte le choix des sympathisants. C’était soit Vincent Peillon, soit le candidat victorieux quel qu’il soit, peu importe. Même lorsque tout le monde n’est pas à cent pour cent d’accord, soutenir le vainqueur fait partie des règles du jeu démocratique ». Les députées Catherine Lemorton et Émilienne Poumirol se sont également ralliées à l’ex-frondeur.

Ils rejoignent Macron

Certains ont décidé de quitter le navire pour rejoindre la mouvance “En Marche” d’Emmanuel Macron. L’ancien ministre de l’Économie se garde bien de se déclarer de gauche et se présente dans une position progressiste et réformiste au delà des clivages traditionnels. Pour autant, ni trop utopiste, ni trop conservateur, il apparaît pour certains élus de gauche comme l’alternative centrale entre deux candidats trop extrêmes issus des primaires.

Ils sont socialistes ou membres du Parti radical de gauche (PRG), ils ont pris leur décision à l’annonce des résultats de la primaire, ou même bien plus tôt. « Le Parti socialiste n’a pas rempli son rôle de parti de gouvernement et n’a pas su soutenir François Hollande comme il aurait dû le faire, ce qui l’a mis en situation de ne pas pouvoir se représenter. Soutenir Emmanuel Macron n’est pas contradictoire avec mes valeurs de gauche. Il est celui qui peut fédérer les femmes et les hommes de bonne volonté, pour éviter cet éternel clivage entre la droite et la gauche, et offrir d’autres perspectives que celle du Front National ». Joël Bouche, maire de Saint-Pierre et premier secrétaire du PS en Haute-Garonne entre 2012 et 2014, déclarait plus tôt en janvier son ralliement au camp Macron dans les colonnes de la Dépêche.

« Je ne voulais pas passer pour une opportuniste en rejoignant Macron après la défaite de Manuel Valls comme certains parlementaires s’apprêtent à le faire »

Monique Iborra, députée de la sixième circonscription de Haute-Garonne, est une des rares socialistes de la région à avoir annoncé son ralliement au candidat du mouvement « En Marche ». « Quand on regarde l’offre politique de Benoît Hamon, on comprend qu’en se tournant immédiatement vers Mélenchon et les Verts, il a l’intention affirmée de reconstituer ce qui a déjà existé, l’union de la gauche. Pour moi c’est rédhibitoire, ce n’est absolument pas moderne. »


Françoise Laborde, sénatrice et désormais ex-présidente de PRG 31 s’est quant à elle exprimée pendant l’entre-deux-tours. « Je ne voulais pas passer pour une opportuniste en rejoignant Macron après la défaite de Manuel Valls comme certains parlementaires s’apprêtent à le faire ». Elle regrette la participation du Parti radical de gauche à la primaire de la Belle Alliance Populaire, elle s’y était d’ailleurs opposée, comme Sylvia Pinel. « Qu’est-ce qu’on est allé faire dans cette galère? Nous avons fait campagne comme si nous devions représenter un courant du PS. C’est quand même terrible pour le plus vieux parti de France. »

Ils ne se prononcent pas

Le PRG, bousculé par la décision non consensuelle de participer à la primaire de la Belle Alliance, n’a encore pas dévoilé sa position. Dans un communiqué publié au moment des résultats, le parti réformiste « prend acte de la victoire de Benoît Hamon » mais précise qu’il « revient à Benoît Hamon désormais, s’il souhaite faire gagner la gauche en mai, de trouver les termes du rassemblement ».

Depuis le résultat de la primaire, Sylvia Pinel, qui avait apporté son soutien à Manuel Valls pendant l’entre-deux-tours, dialogue avec Benoît Hamon en tentant de faire infléchir son programme. Le président de PRG 31, Pierre-Nicolas Bapt, a quant à lui déclaré ne pas comprendre que certains radicaux de gauche puissent se rallier à Emmanuel Macron.

De la même manière, nombreux sont les ex-soutiens de Valls à ne pas avoir officiellement pris position. Parmi eux, Claude Raynal qui louait « son charisme et son expérience d’homme d’État ». Le député de la septième circonscription de Haute-garonne Patrick Lemasle a indiqué ne pas avoir pris sa décision. « Il arrêtera son choix en fonction de l’évolution du programme de Benoît Hamon », a précisé son attaché parlementaire. Les députés et soutiens de Manuel Valls, Françoise Imbert et Gérard Bapt, n’ont pas non plus fait connaître leur décision depuis l’annonce de la victoire de Benoît Hamon.

Silence radio également du côté de Jean-Michel Baylet, ministre de l’Aménagement du territoire et PDG du groupe La Dépêche. Il évoquait en novembre la possibilité de rallier le camp Macron si François Hollande échouait à la primaire du PS. Ni à l’annonce de la non-candidature du Président de la République, ni même après la victoire de Benoît Hamon, l’ex-président du PRG ne s’est exprimé.

« Alors que Hamon s’est directement tourné vers Mélenchon, le Parti socialiste va lui demander dimanche de dire que le quinquennat de Hollande n’était pas si mauvais que ça, c’est du théâtre ! »

Enfin, Martin Malvy, ex-président socialiste de la région pendant plus de 17 ans, attend de Benoît Hamon qu’il « éclaire ses intentions » et dise « très vite comment et avec qui il entend assurer le rassemblement ». L’ancien président de Midi-Pyrénées prévient également « tous les candidats qui se réclament de la gauche » : il les invite à « infléchir leurs projets pour les rendre acceptables par les autres et réalistes ». Ce sera le prix à payer pour que l’élection présidentielle ne « s’achève pas par un face-à-face droite-extrême droite ».


La plupart de ces élus sont en attente du programme de Benoît Hamon et de sa prise de parole lors de la Convention d’investiture, qui se tiendra dimanche 5 février, à 9h à la Maison de la Mutualité. Le ralliement d’une partie de la gauche pourrait finalement être le résultat d’un programme négocié. À l’excès, selon Monique Iborra : « Alors que Hamon s’est directement tourné vers Mélenchon, le Parti socialiste va lui demander dimanche de dire que le quinquennat de Hollande n’était pas si mauvais que ça, c’est du théâtre ! »

June Raclet et Lou van Noort