Fin mars, Jean-Luc Moudenc récupère le fauteuil de maire de Toulouse. Le 7 juillet, il signe un arrêté anti-prostitution ciblant certains quartiers au nord de Toulouse. Trois mois plus tard, retour sur cet arrêté et ses conséquences avec Marie Prin, secrétaire générale du STRASS (Syndicat du Travail Sexuel).

Lundi 22 septembre, il est 19h. Les riverains du comité de quartier des Ponts-Jumeaux se rassemblent autour d’un verre pour célébrer une décision de la mairie appelée à grands cris : l’arrêté anti-prostitution. Oui mais voilà, d’autres ne l’entendent pas de cette oreille. L’arrivée d’un collectif informel de militants solidaires avec les travailleur(se)s du sexe perturbe l’apéritif. Quelques heurts et trois arrestations plus tard, l’accrochage est terminé. Le lendemain La Dépêche du Midi parle de « pugilat » mais pour Marie Prin, c’est un abus de langage.

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«Rétablir la sécurité des gens »

Pour Olivier Arsac, maire adjoint chargé de la sécurité, l’arrêté du 7 juillet est là pour « rétablir la sécurité des gens. » Rétablir la sécurité de riverains souvent compréhensifs face à la situation compliquée des travailleur(se)s du sexe mais qui ne les veulent pas devant chez eux. « Si nous voulons éviter un dérapage, qu’un jour cela ne se termine à coups de fusil entre les riverains et les réseaux de proxénètes, il faut agir », précise M. Arsac. Selon Marie Prin c’est avant tout une politique répressive décidée sans aucune discussion avec les intéressé(e)s et qui s’ajoute à des lois existantes déjà très restrictives.

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Un arrêté limité dans le temps et l’espace…

logo-strass_copie.jpg Légalement un tel arrêté doit être encadré. Pris sur le modèle de la ville d’Albi, l’arrêté anti-nuisance, ou anti-prostitution, au choix, est donc actif sur douze mois à compter du 7 juillet 2014, de 18h à 5h du matin. Il s’étale sur cinq zones dites « chaudes » de Toulouse déterminées grâce à « des éléments tangibles » selon M. Arsac : Matabiau (où le contrôle s’effectue exceptionnellement 24h/24), Ponts-Jumeaux, les Minimes, les Sept Deniers et Raisin. Les patrouilles de police sont renforcées sur ces zones et les contrevenant(e)s risquent une amende de 38 euros. Dans un article du 16 septembre, le web-zine Street press parle de 135 amendes déjà distribuées.

Mais ce zonage interroge. En effet, le quartier Belfort, zone historique de la prostitution toulousaine (des Françaises en majorité), où beaucoup de travailleur(se)s du sexe résident, n’est pas touché. Faiblesse du comité de quartier ou volonté de viser les migrant(e)s ? Marie Prin penche pour la seconde solution. « L’arrêté est là aussi pour réguler l’immigration clandestine. Il a été mis en place sur toutes les zones où c’est de la prostitution de personnes migrantes, ce qui ne veut pas dire forcément sans papiers. Mais dans le sens commun migrante ça veut dire réseau et exploitation, ce qui n’est pas forcément vrai encore une fois. Ça justifie une politique répressive », s’agace-t-elle.

En septembre, le STRASS a déposé un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Toulouse. De son côté, la mairie a annoncé que l’arrêté ne serait pas reconduit suite aux douze mois. Voilà une histoire qui est loin de toucher à sa fin.