Quiconque s’est promené dans le jardin Raymond VI à Saint-Cyprien a pu remarquer que depuis quelques mois une étrange structure s’y est implantée non loin de l’entrée. Surplombé d’une serre, un ancien container peint en blanc et habillé de panneaux explicatifs trône au milieu de la pelouse du jardin. Cette vision insolite est la réalisation d’un projet d’une startup toulousaine créée en 2011 et nommée CitizenFarm.

Qu’est-ce que CitizenFarm ? Cette startup est pensée pour « rapprocher les citoyens de ce qu’ils mangent » décrit Béata Delcourt, une des têtes du projet. Cette ancienne diplômée de l’IEP de Toulouse complète : « les villes se figent et les écarts entre les citadins se creusent, contrairement à la campagne, où mine de rien l’agriculture rassemble, la relation au patrimoine, la terre, ça réunit ». Vaste projet qui a pris des tournures très concrètes depuis la création de la startup. Cette ferme urbaine est en fait un modèle plus imposant que son grand frère, la première création de CitizenFarm étant un modèle réduit de ferme aquaponique.

Derrière ce terme technique se cache une forme d’agriculture ancienne mais peu utilisée. L’aquaponie est en fait un mot-valise composé du mot « aquaculture » (élevage de poissons ou d’organismes aquatiques) et du mot « hydroponie » (culture de plantes grâce à de l’eau enrichie en matières minérales).
Cette forme d’agriculture intègre les poissons et les végétaux en les rendant interdépendants : les poissons, situés dans la partie basse du dispositif, nourrissent les plantes situées dans la partie haute via leurs déjections. Ces dernières purifient alors l’eau de la partie basse permettant aux poissons de se développer. La ferme urbaine du jardin Raymond VI, la première installée dans la Ville rose, a ainsi permis de récolter près de 80 kilogrammes de légumes durant la période estivale.

La startup toulousaine, qui compte aujourd’hui sept employés, a su convaincre les pouvoirs publics. L’emplacement du jardin Raymond VI lui a ainsi été confié par Toulouse Métropole.

« C’est aujourd’hui, alors que la ferme a fait ses preuves que nous avons maintenant plusieurs pistes de recherche plus avancées, accompagnées et soutenues par la Métropole, surtout par la section “Smart City”. C’est un bon moyen de rassembler les citadins autour d’une thématique qui sensibilise, qui responsabilise nos comportements et créer du lien en ville »

La question du développement de ce projet à d’autres lieux publics (voire villes) est envisagée. Interrogée à ce sujet, Béata Delcourt est certaine de son expansion. « Notre objectif est d’équiper de nombreux quartiers avec nos fermes OikoFarm », des petites fermes en container, pour créer des animations, un lieu de rassemblement, d’initiation agri-écologique au plus proche des habitants d’un quartier, précise-t-elle.

« L’idée est de créer une plus grosse ferme ayant un rôle plus “nourricier” »

Néanmoins, le projet est de créer une « plus grosse ferme, ayant un rôle plus “nourricier” » qui serait en dehors de Toulouse. Cette ferme, construite dans un hangar ou un espace plus grand, permettrait de produire assez de légumes pour alimenter les petites fermes OikoFarm. « Un système de circuits courts riche, dynamique et éco responsable pour rapprocher les producteurs des consommateurs, mais aussi les habitants entre eux » justifie Béata Delcourt.
Le projet intéresse de plus en plus toutes les composantes de la société : « nous avons aussi eu beaucoup de retours positifs d’acteurs privés et collectivités territoriales : clairement la résilience des villes et le bien-être des citadins au coeur des villes devient une préoccupation dominante chez les acteurs du milieu urbain » se réjouit la collaboratrice de CitizenFarm.

La « ferme du futur » de CitizenFarm est une innovation qui permettrait d’aider l’agriculture biologique à gagner sa place en zone urbaine. La production de légumes et de poissons par aquaponie peut atteindre un bon rendement et amener des légumes dans les assiettes des populations urbaines, souvent les plus éloignées de ce mode de consommation. L’agriculture urbaine se développe depuis une dizaine d’années dans de nombreuses villes comme Chicago, Montréal ou encore Lille. Et demain, Toulouse ?