Le 14 février dernier, la décision est tombée : Le projet IAM-TSE porté par la Toulouse School of Economics et la Fondation Jean-Jacques Laffont a obtenu la labellisation LABEX –Laboratoire d’excellence.

Avec un financement de plus de 15 millions d’euros dans le cadre du Grand Emprunt, le pôle recherche de l’institution présidée par Christian Gollier a de quoi mettre en application ses ambitions internationales. Un succès pour TSE et la recherche toulousaine qui suscite pourtant quelques réticences dans le monde de l’enseignement supérieur.

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C’est dans un contexte de nervosité que le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a annoncé en conférence de presse les lauréats de la deuxième vague de l’appel à projet des LABEX retenus par les membres du jury international composé à cet effet. Sur les 195 projets en compétition, seulement 71 ont été sélectionnés dont onze pour la région Midi-Pyrénées. Déjà labellisée l’année dernière au travers du projet IAST, puis récemment avec l’obtention de l’IDEX, la TSE continue sur sa lancée puisque l’école supérieure décroche le titre de Laboratoire d’excellence avec à la clé une enveloppe de près de 15 millions d’euros répartis sur huit ans, ce qui en fait le projet le mieux doté financièrement.

Le succès de la TSE

Les arguments présentés par l’école d’économie de Toulouse ont donc fait mouche. Avec le projet IAM-TSE : «Incitations, Acteurs et Marchés», elle entend renouveler la recherche sur la régulation des marchés, les comportements des agents économiques et les incitations à l’œuvre. Vaste programme ! « Nous pourrons alors développer de nouveaux outils théoriques et empiriques et les appliquer, entre autres, à la réglementation des intermédiaires et des marchés financiers, à la politique de protection des consommateurs, au financement des petites entreprises, à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, à la stabilité de la zone euro, à la régulation des marchés de l’énergie et aux problèmes du vieillissement » précise Christian Gollier, président de la prestigieuse institution. Un domaine de recherche qui tombe à point nommé en cette période de crise économique.

Voilà pour le discours officiel. Mais concrètement, comment cela se traduit-t-il? Avec cette aide pécuniaire importante, la TSE espère multiplier les programmes d’envergure et devenir un pôle majeur de la recherche mondiale. Sont au programme : le financement de chaires supplémentaires ; l’ouverture plus grande aux professeurs et étudiants étrangers ; le soutien au processus de reverse brain drain (stratégie qui vise à inverser le phénomène de fuite des cerveaux) ; et même la création d’un sommet économique afin de « rivaliser avec le monopole de Davos » dixit Jennifer Stephenson, chargée de la communication scientifique – relations presse.

Pour Christian Gollier, cette reconnaissance tardive – le premier appel à projet de mars 2011 avait été un échec – n’est que le fruit d’un travail collectif rondement mené : « Nous y travaillions depuis juin 2010 et n’avons pas été choisis lors du premier appel à projets. Depuis nous avons raboté notre budget mais notre ambition scientifique reste la même.  » Mais pourquoi la TSE s’est-t-elle taillée la part du lion dans un budget de plus de 500 millions d’euros ? « La Toulouse School of Economics est un laboratoire mondialement reconnu, désormais au 10e rang dans le classement RePEc des meilleurs laboratoires de sciences économique du monde » justifie Joel Echevarria, le directeur des opérations et ressources humaines de l’établissement, avant de saluer le rôle primordial dans le succès de ce dossier joué par Christian Gollier et Jean Tirole, médaille d’or du CNRS et économiste le plus cité dans les revues scientifiques.

On le comprend, l’objectif est ici de travailler au rayonnement international d’un des fleurons de la recherche française comme le dit à mots couverts Joel Echevarria au micro d’Objectifs News: « Actuellement, nous sommes en compétition directe avec des écoles de prestige comme Stanford, Harvard… C’est une compétition mondiale ».

LABEX : fausse bonne idée ?

S’il est de mise de se féliciter à la Toulouse School of Economics pour cette labellisation, certaines voix discordantes se font entendre. Sans viser l’établissement toulousain, une partie des blogueurs du site spécialisé Educpros.fr tirent à boulets rouges sur le dispositif même. La raison : alors que le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche en France a baissé en quatre ans d’après une note de l’UNEF reprenant les conclusions du ministère concerné, ces aides issues du Grand Emprunt ne seraient qu’un cache-sexe à la situation préoccupante de la recherche nationale. « Patouille », « saupoudrage », « jeu de dupes  », le constat est sévère.

Conscient des critiques provoquées par les LABEX, le ministre Laurent Wauquiez a tenu à se justifier en conférence de presse. Risque de concentration ? « Notre politique des Investissements d’avenir ne se résume pas à l’IDEX. […] Plus de la moitié des nouveaux LABEX n’appartenaient pas à un IDEX. » Triomphe de l’élitisme français ? « L’excellence n’est pas l’élitisme. Elle ne signifie pas que nous allons laisser certains au bord de la route. »

Les autres, justement. Pour le journaliste Frédéric Dessort, la grogne dans le monde universitaire est palpable. Après l’unité de façade affichée par les présidents d’université lors de l’obtention de l’IDEX, qu’il juge comme une « carotte pour créer l’université de Toulouse », les dissensions se font sentir depuis la publication des projets labellisés LABEX. Dénonçant la mise en place d’une « université à deux vitesses » entre quelques grandes écoles choyées à coups de millions et une noria d’établissements sans le sou ; fustigeant le caractère quelque peu arbitraire des désignations, certains sont vent debout contre la réforme.

À preuve, la prise de position de Bertrand Monthubert, créateur du collectif Sauvons la recherche qui déplore la mise en place d’un « périmètre d’exclusion »*. En toile de fond est donc dénoncé le sacrifice de l’égalitarisme républicain sur l’autel de la performance. Car cette manne supplémentaire distribuée par l’État risque d’accroître le fossé entre les différents établissements de l’enseignement supérieur toulousain au profit de la TSE, pourtant pas à plaindre grâce à un important financement privé issu de la Fondation Jean-Jacques Laffont.

En cette période de restriction budgétaire où la RGPP – Révision Générale des Politiques Publiques – vise à rationaliser tous les postes de dépenses, les 15 millions d’euros obtenus par la TSE constituent un véritable trésor de guerre sur lequel entend bien capitaliser l’institution toulousaine. Encore que, l’établissement sait pertinemment qu’il en faudra d’autres pour asseoir son magistère intellectuel à l’international : « Le budget alloué est seulement prévu sur huit années. Nous, nous voyons au-delà. Dans le futur, nous ferons d’autres compétitions, nous solliciterons d’autres moyens pour laisser aux prochaines générations une institution scientifique de premier plan à Toulouse.  » prévient le président de l’école d’économie. La course aux millions ne fait que commencer.

* Détournement de la formule prononcée par le gouvernement: « périmètre d’excellence«