Le lundi 25 mars, les Airs Solidaires organisaient une conférence intitulée « L’évolution de la réglementation sur les semences et les OGM : enjeux sur le droit des paysans, la biodiversité et la souveraineté alimentaire  ». Michel Metz et Jacques Dandelot, faucheurs volontaires, respectivement membre du réseau Semence Paysanne et administrateur d’Inf’OGM, animaient cette conférence. Entretien avec ces deux « experts » engagés.

« Univers-Cités » : Comment en êtes-vous venus à vous engager contre les OGM et pour les semences paysannes ?

Michel Metz : J’ai d’abord été altermondialiste en étant à ATTAC. En 2004, j’ai participé à un fauchage de champs d’OGM, et je me suis pris une grenade assourdissante. Du coup, ça m’a donné envie d’approfondir la question. Plus tard, je me suis intéressé aux semences paysannes au contact d’autres militants. Ce sont deux facettes du même combat.

Jacques Dandelot : Quant à moi, la porte d’entrée a été l’objection de conscience et le plateau du Larzac contre l’extension du camp militaire dans les années 70. Après, j’étais engagé dans le mouvement antinucléaire.
J’ai repris le militantisme en 2000, j’ai eu plein d’informations sur le problème des OGM, ça m’a semblé un incroyable déficit démocratique d’imposer des plantes dont personne ne voulait. Je me suis dit « ça suffit, il faut se bouger ».

En quoi les OGM est une problématique essentielle sur la question de l’alimentation et de la biodiversité ?

M. M. : Quand les semences industrielles ont débarqué dans les années 90 en Europe, ça a marqué une rupture, celle de breveter le vivant. Ça a suscité des réactions, la première c’est celle de la Confédération paysanne contre les OGM et la deuxième ce sont des gens qui se sont intéressés aux semences paysannes, comme une alternative. Ils ont retrouvé des semences, des vieux paysans qui les utilisaient. Ils sont allés chercher des semences à la banque de l’INRA.
2003, c’est une année importante, car c’est la création du Collectif des faucheurs volontaires et du réseau Semences Paysannes. C’est le rassemblement au Larzac de la même année qui a fédéré ces initiatives.

Quelles actions concrètes menez-vous ?

J. D. : J’ai mené des actions comme faucheur volontaire. Mais, depuis 2008, il y a un moratoire sur les plantes transgéniques. Depuis, les actions se concentrent sur la dénonciation des plantes mutées, ce sont des OGM cachés, mais c’est difficile de faire émerger ce problème.
Je participe aussi à Inf’OGM, une association de veille juridique dans le monde entier. Inf’OGM a un fil d’informations très fiable, qui recoupe des informations sur les OGM.

M. M. : Je participe au réseau Semences Paysannes qui regroupe une soixantaine d’associations. C’est un réseau d’acteurs de la biodiversité cultivée qui cherche à renouveler les variétés, qui utlise des variétés non industrielles.
En même temps, s’est développée une expertise juridique, comme le suivi des lois sur les semences. Le réseau bénéficie d’une reconnaissance scientifique car on travaille parfois avec des instituts comme l’INRA.

« Moins de dix firmes détiennent entre 70 et 80 % du marché des semences »

Comment l’utilisation des OGM affecte concrètement l’agriculture ?

J. D. : L’introduction des OGM, c’est la poursuite de l’agriculture industrielle. Cette agriculture est apparue avec la mise sur le marché des semences hybrides, surtout du maïs. Mais la différence des OGM, c’est qu’il y a des brevets en plus.
La quasi-totalité des plantes OGM sont faites pour résister à des herbicides ou produisent toute leur vie des pesticides.

M. M. : Les OGM ce sont des semences très techniques. Ce sont des brevets très chers qui font l’objet de transactions. En plus, le secteur industriel qui produit des OGM est très concentré, car les coûts en recherche et développement sont très chers. Moins de dix firmes détiennent entre 70 et 80 % du marché des semences.
Actuellement, il y a une offensive par rapport aux brevets, c’est de breveter des plantes « normales », pas seulement des plantes modifiées. Donc, ils ont un pouvoir de lobbying fort, ils essaient d’arranger les lois en leur faveur et les complexifient pour les paysans.
Les industriels sont dans une stratégie d’économie d’échelle pour faire la semence élite, et ça nuit à la diversité de la biodiversité.

Quelle importance représentent les semences paysannes ?

M. M. : Les semences paysannes sont celles produites dans les champs des paysans et par eux. Elles conservent une grande diversité à l’intérieur d’une variété, alors que les variétés industrielles sont des clones. Cette diversité permet donc une capacité d’adaptation. Les semences paysannes sont régies par des droits d’usage collectif, à la place du droit privé.
En termes de quantité, les semences paysannes sont minoritaires mais qualitativement, elles sont majoritaires. Pour terminer, on ne peut pas imaginer une souveraineté alimentaire sans les semences paysannes. Comme le dit la Via Campesina, c’est un « bien commun des communautés au service de l’humanité ».

Pour plus d’informations :

_ Inf’OGM, veille citoyenne sur les OGM
_ Réseau Semences Paysannes