Du 13 au 18 novembre, le festival Latino-Docs a occupé la scène culturelle toulousaine en proposant une série de documentaires engagés sur l’Amérique Latine. Pour cette cinquième édition, les associations organisatrices, Toulouse–Amérique Latine et Toulouse–Cuba, ont consacré leur programmation aux dictatures militaires sud-américaines, en écho aux quarante ans du coup d’Etat au Chili. L’occasion de discuter avec Julien Terrié, un des organisateurs, de la place de la culture latino dans la Ville rose.

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« Univers-Cités » : Comment est né Latino-Docs ?
Julien Terrié : Au sein des deux associations, nous nous étions rendu compte que les conférences que nous organisions avaient presque toujours pour support le documentaire. Quitte à effectuer des sélections semblables à celles d’un festival, autant créer un véritable événement autour du documentaire latino-américain ! C’est ainsi qu’est né Latino-Docs, en 2009. Cela dit, il ne s’agit pas de concurrencer Cinelatino. Au contraire, nous collaborons souvent avec les organisateurs de ce festival, car nos deux initiatives se complètent. Cinelatino a une programmation assez variée, tandis que nous nous intéressons à l’engagement dans l’art.

Quel est le public du festival ?
A Latino-Docs, l’essentiel du public, plutôt jeune, entretient des liens très forts avec l’Amérique Latine. Ce sont soit des immigrés, soit des Toulousains qui voyagent dans les pays latino-américains. Ceci est surtout vrai dans le cadre des projections et des débats gratuits que nous organisons pendant la durée du festival. Mais le festival intéresse aussi un autre public, moins jeune, qui participe cette fois-ci aux événements que nous proposons en collaboration avec les cinémas toulousains. Ces spectateurs-là n’entretiennent pas forcément des liens avec l’Amérique Latine : ils sont avant tout intéressés par les questions sociales abordées dans les films, et leur portée universelle.

Cinespaña, Cinelatino, Latino-Docs… Comment expliquer la place du cinéma hispanophone à Toulouse ?
L’intérêt porté au cinéma latino à Toulouse en général, et au documentaire engagé en particulier, répond à mes yeux à un besoin de mémoire. Les festivaliers ont besoin d’exprimer ce que les générations passées, ou eux-mêmes, ont vécu pendant les dictatures. Car il ne faut pas l’oublier : beaucoup d’immigrés latinos sont venus et viennent encore, s’installer à Toulouse pour des raisons politiques. A ce propos, j’ai à l’esprit le cas d’une Chilienne qui a raconté, à la fin d’un film, ce qu’avaient vécu ses parents sous Pinochet. Mais le plus poignant dans son témoignage, c’est qu’elle avait véritablement compris ce qu’avait vécu sa famille en regardant des films ! Jamais personne ne lui en avait vraiment parlé avant.

Mais pourquoi le 7e Art en particulier occupe-t-il une telle place dans la ville ?
Je pense que le cinéma se prête mieux au débat que n’importe quel autre art. Non que l’engagement soit absent des autres disciplines artistiques : il y apparaît bien souvent en filigrane. Dans notre festival, nous accueillons par exemple souvent des groupes de musique. Cela dit, il me semble quand même un peu compliqué de lancer une discussion après un concert ! En réalité, j’explique le développement de tous ces festivals de cinéma dans la ville par la nature même de la communauté latine à Toulouse, qui est globalement très politisée. C’est une façon pour elle de continuer à lutter contre la répression, qui persiste dans certains pays latinos, tout en contribuant à véhiculer la richesse culturelle de ces Etats, en France.

On parle souvent de Toulouse l’Espagnole : quel regard les Espagnols ont-ils sur le cinéma latino ?
Nous avons beaucoup d’Espagnols, souvent des fils de réfugiés républicains, dans le comité organisateur du festival. Leur intérêt pour les problématiques abordées dans les documentaires latino-américains se fait bien évidemment par le biais de la dictature. Les Latinos et les Espagnols qui vivent à Toulouse ont, pour la plupart, vécu les mêmes expériences dans leurs pays respectifs. En ce sens, les films que nous projetons à Latino-Docs ont un fort impact sur les Espagnols qui vivent à Toulouse, ainsi que sur les Italiens qui, ne l’oublions pas, ont aussi trouvé refuge dans la Ville rose pour fuir le régime de Mussolini.

http://www.Latino-Docs.org/

Toulouse, capitale du cinéma latino

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Mis à part le festival Latino-Docs, Toulouse compte quelques-uns des festivals de cinéma latin les plus importants au niveau national, voire international. Cinespaña, consacré au cinéma espagnol, ouvre la saison culturelle en septembre : en l’espace de dix-huit ans, le festival est devenu une référence en la matière en France. Du 29 novembre au 8 décembre se tiendra également le festival du cinéma italien, avant la 26e édition de Cinélatino, du 20 au 30 mars 2014.