A Toulouse, ce sont près de cinq librairies spécialisées en bande dessinée qui se partagent le centre-ville : ne connaîtraient-elles pas la crise ? Enquête dans l’univers des libraires du neuvième art.

A Terres de Légende, les BD ont la cote. / Photo J.T-B.

A l’heure à laquelle les grandes enseignes comme la Fnac et Virgin lancent des restructurations ou choisissent de plier boutique, les librairies indépendantes de bandes dessinées affichent une forme presque insolente. Ici, point de drame économique, mais un maintien voire une progression du chiffre d’affaires : « Ce serait mentir que de dire que les libraires spécialisées pâtissent vraiment de la crise, confirme Fabrice Badorc, gérant de Terres de Légende, implantée rue Gambetta à Toulouse. Au contraire, nous profitons de l’élargissement sans précédent de l’offre, qui draîne de nouveaux clients, et d’une absence presque totale de téléchargement. »

4,7% d’albums en plus par rapport à 2011

Avec plus de 5 500 nouveaux titres ou traductions en 2012, l’univers de la bande dessinée, auquel appartiennent également les mangas japonais et les comics américains, s’ouvre en effet à un public plus varié qu’il y a une dizaine d’années. Des incontournables super-héros aux protagonistes anticonformistes en passant par la nouvelle BD de reportage et les autobiographies, le genre tire profit du phénomène de longue traîne en proposant des titres adaptés aux goûts des lecteurs : « Pour ce qui est du manga, on assiste à une multiplication des sous-genres telle qu’il est de plus en plus difficile pour un non-initié de les distinguer, plaisante Sylvie Rafelli, propriétaire de Bédéciné rue Romiguières, anciennement Album. Et c’est la même chose pour les autres ouvrages ! Désormais, une librairie de BD doit disposer de stocks très importants, car notre activité repose sur des produits de niches. »

A la recherche d’une relation perdue

A Terres de Légende, on revendique ainsi une gamme de 13 000 références, soit plus de 20 000 ouvrages. Une manière pour les librairies indépendantes de se prémunir de l’érosion des gros titres, mangas ou séries humoristiques en première ligne, que les clients achètent plus volontiers sur Internet : « Les acheteurs savent à quoi s’attendre avec les gros titres, donc ils n’ont pas besoin de nous demander conseil et de se déplacer pour les acheter, note Fabrice Badorc. Si les grandes enseignes ont d’ailleurs subi une diminution des vente de BD en 2012, c’est parce que ce sont ces gros titres qui faisaient leur succès. En revanche, nous tirons notre force de notre capacité à faire découvrir de nouveaux albums à nos lecteurs. Les clients aiment discuter avec des spécialistes, chose qu’ils ne peuvent pas faire par Internet. »
Alors, les librairies indépendantes de BD ignoreraient-elles la crise ? Pas tout à fait, car leurs gérants craignent une saturation du marché, après les incroyables 37 millions d’albums vendus en 2012. Mais, en attendant de voir, ils continuent de partager leur passion avec les amoureux des belles planches du neuvième art.