Depuis le début, les Assises du journalisme ont vocation à être un rendez-vous international. Cette année, en partenariat avec les universités africaines de la communication de Ouagadougou, une dizaine d’étudiants du continent noir sont venus assister aux débats sous le patronage de Regina Ouattara, figure médiatique du Burkina Faso. L’occasion donc d’échanger sur la conception du journalisme de l’autre côté de la Méditerranée.

« Univers-Cités » : Pourquoi êtes-vous venue aux Assises internationales du journalisme et de l’information avec une dizaine d’étudiants du continent africain ?

Regina Ouattara : C’est une démarche voulue par Jérôme Bouvier (le président des Assises, ndlr) qui désirait accentuer le caractère international et démocratique de cette 6ème édition. Après un appel à candidature, nous avons choisi une dizaine de candidats recrutés parmi les meilleures écoles d’Afrique. Ces Assises sont une occasion unique pour eux de voir comment est appréhendé le journalisme en Europe, mais aussi d’échanger directement avec les acteurs du secteur.

Justement, en matière de journalisme et notamment d’indépendance – thème de cette 6ème édition –, l’Europe est-elle un modèle à suivre ?

Je ne sais pas si nous devons mettre nos pas dans ceux de l’Europe car nous appartenons à une aire culturelle différente, en tout cas, une chose est certaine, c’est que l’Afrique, et là je parle surtout de la situation des médias au Burkina Faso, suit une pente ascendante. Dans mon pays, malgré la corruption toujours présente, une connivence forte encore entre journalistes et sources, les titres de presse se portent plutôt bien et les tirages sont bons. C’est dire, la liberté d’expression est constitutionnalisée à l’article 8 et il n’est plus rare que des organes de presse ou des journalistes critiquent le pouvoir, enquêtent sur ses pratiques pas toujours légales. Cette liberté de ton nouvelle est notamment due à une multiplication des médias, partagés entre le secteur privé et public.
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Votre parcours personnel reflète d’ailleurs cette évolution positive.

Tout à fait. Après avoir fait mes débuts à la radio puis à la télévision côté JRI, je suis devenue présentatrice sur la chaîne nationale en 1999. À cette époque, c’était inédit qu’une femme prenne les commandes du JT dans une société où le patriarcat et une vision négative de la femme dominent. Au début, cette promotion a été difficile à assumer car mes collègues masculins acceptaient mal cette situation tout comme un certain nombre de téléspectateurs. Si techniquement, il n’y avait aucune difficulté, socialement et culturellement, cela restait sensiblement plus délicat. Reste que les mentalités ont évolué progressivement et désormais la profession est ouverte à de plus en plus de femmes, même s’il existe toujours un plafond de verre.

Vous l’avez dit, le secteur des médias est en plein essor au Burkina Faso. Cependant, dans quels domaines est-il urgent de se réformer ?

Sans conteste les équipements puisque pour le moment la vétusté est encore la règle et la modernité l’exception. Par ailleurs, au niveau organisationnel, spécifiquement au sein des rédactions, il y a matière à gagner en efficacité. Enfin dernier chantier à continuer, la liberté d’expression qui, en dépit de progrès incontestables, demeure une bataille de tous les jours. D’autant qu’en ne percevant aucune aide de l’État, les titres du secteur privé peuvent parfois ressentir la pression d’investisseurs économiques.

Aujourd’hui, la nouvelle génération est-elle attirée par les métiers de l’information ?

Quand on voit la passion et l’intérêt que portent les dix élèves d’écoles de journalisme que j’accompagne ici, aux Assises, il ne fait aucun doute. En Afrique, de plus en plus de jeunes veulent se lancer dans l’aventure du journalisme. Cette profession est désormais très reconnue socialement et jouit d’un prestige certain, dû en partie au professionnalisme incontestable de ses membres. Et plus le métier va s’auto-réguler, plus les pratiques vont s’institutionnaliser et aller vers le toujours plus libre et indépendant : l’aura de la profession dans la sphère sociale bénéficiera de ces avancées.