Pour Philippe Rimbault, directeur de l’Institut d’Etudes Politiques de Toulouse, et Christian Lavialle, premier vice-président de l’Université Toulouse-1 Capitole, les relations entre les deux institutions semblent s’être apaisées au cours des dernières années. Les deux représentants reviennent sur des points de désaccord qui les ont pendant longtemps opposés.

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« Univers-Cités » : Quel a été le point culminant des tensions entre l’IEP de Toulouse et l’UT1 ?

Philippe Rimbault : Lorsque Laure Ortiz est arrivée, certains enseignants de l’UT1 ont perdu des cours à l’IEP en raison du changement de maquette qu’elle avait opéré. D’autres ont décidé de partir d’eux-mêmes. Cette situation a marqué pendant longtemps les esprits des juristes de l’UT1. Mais ce conflit a principalement touché une génération d’enseignants qui commence à partir à la retraite, ce qui devrait aider à apaiser les relations.

Christian Lavialle : Au contraire de ses prédécesseurs à la tête de l’IEP, Laure Ortiz n’était pas un pur produit de l’UT1. Elle a souhaité développer une politique d’autonomisation, et a réduit la place dévolue au droit dans les enseignements. Certains juristes de l’UT1 ont donc perdu des cours à l’IEP. Peu à peu, l’UT1 en est venue à la conclusion suivante : puisque l’IEP a sa propre voie, qu’il mène lui-même sa politique.

Comment expliquez-vous que les étudiants en double cursus à l’IEP et à l’UT1 aient à faire face à autant de difficultés logistiques ?

Philippe Rimbault : Certains étudiants à l’IEP sont en double cursus en droit, d’autres en économie. C’est compliqué d’aménager leurs emplois du temps. Par ailleurs, nous sommes contraints en termes de locaux et de calendrier. On ne peut donc pas décaler les sessions d’examens en fonction d’une minorité d’étudiants qui suivent une double formation, même si leur demande est légitime.

Christian Lavialle : A l’UT1, nous avons déjà du mal à organiser les emplois du temps lorsque certains étudiants de master 1 issus de différents parcours ont des séminaires en commun ! Alors s’il fallait aménager notre calendrier en fonction de ceux qui font un double cursus à l’IEP, ce serait tout simplement ingérable.

La loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités (LRU) a-t-elle eu des conséquences sur les relations qu’entretiennent l’IEP et l’UT1 ?

Philippe Rimbault : L’IEP n’est pas complètement passé dans le régime de la loi LRU, c’est-à-dire dans le système Responsabilités et Compétences Elargies (RCE). Ce régime permet à une université de bénéficier d’un système d’allocation de moyens, en fonction des effectifs étudiants qu’elle enregistre et des formations qu’elle déploie. L’UT1 nous facturait certaines prestations alors que nous ne faisions pas partie du RCE, mais refusait de nous en financer certaines, alors que l’IEP est un établissement rattaché. C’était notamment le cas pour les contrats doctoraux : l’UT1 ne voulait pas nous faire profiter du financement dont elle bénéficiait, alors même que les étudiants de l’IEP étaient comptabilisés dans l’effectif des étudiants de l’UT1. Mais aujourd’hui, nous sommes arrivés à un accord, et l’UT1 accepte de financer un contrat doctoral pour un étudiant de l’IEP.

Christian Lavialle : La loi LRU pousse dans le sens de l’autonomisation de l’IEP. Mais c’est une aberration dans le contexte actuel. Les petits établissements qui agissent en autonomie sont aujourd’hui à contre-courant. Seuls les éléments juridiques contenus dans la LRU servent à quelque chose. Pendant longtemps, on a recruté des enseignants en sciences politiques différemment à l’IEP et à l’UT1, mais c’était aberrant ! A l’avenir, il y aura un comité de recrutement d’enseignants en droit à Toulouse qui opérera sur tout le site, et ce sera la même chose pour les autres disciplines.

L’exigence de visibilité internationale va-t-elle jouer un rôle sur les relations entre l’IEP et l’UT1 ?

Philippe Rimbault : Dans un contexte de Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES) et de visibilité des sites au niveau mondial, il est dans notre intérêt de nous départir des conflits locaux. Il y a bel et bien eu des affrontements entre les deux établissements, et ceux-ci étaient pour une bonne part le fruit de deux conceptions opposées de l’université. Mais aujourd’hui, la confrontation n’est plus la priorité. Par exemple, nous sommes parvenus à un accord avec l’UT1 concernant la surface qui sera attribuée à l’IEP dans les nouveaux locaux de la Manufacture des tabacs. En revanche, des points de désaccord existeront toujours, et il n’est pas question de sacrifier les intérêts de l’IEP sur l’autel de la visibilité internationale.

Christian Lavialle : Partout, la tendance est à la convergence des institutions qui font la même chose. C’est ce qui se passe à Rangueil, où l’on assiste à un rapprochement des écoles d’ingénieurs et de l’Université Paul-Sabatier. L’IEP et l’UT1 travaillent sur des thématiques voisines : l’économie et le droit sont enseignés dans les deux établissements. Dans ce contexte, ce serait irrationnel de ne pas opérer un rapprochement. Par ailleurs, l’IEP doit bientôt réintégrer nos murs de la Manufacture des tabacs. Le rapprochement paraît donc inévitable.