Décloisonner un peu l’univers carcéral, voilà l’objectif des militants du Genepi. Cette association d’étudiants intervient à l’intérieur et à l’extérieur des murs des prisons avec pour objectif l’amélioration de la vie des détenus, la réflexion sur le système carcéral et la sensibilisation du public à cette thématique.

Début des années 1970. L’actualité carcérale est intense. En France, comme à l’étranger, beaucoup de détenus se soulèvent et on assiste à de violentes révoltes dans les prisons. De l’autre côté des murs, une nouvelle critique se dessine avec les événements de 1968 et la publication de Surveiller et Punir de Michel Foucault en 1975.

Pour calmer ces tensions, les pouvoirs publics décident d’ouvrir les portes des prisons à des intervenants extérieurs. En 1976, à l’initiative de Lionel Stoléru, conseiller technique à la présidence de la République – occupée par Valéry Giscard d’Estaing – le Groupement Étudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées (Genepi) voit le jour.

Aujourd’hui l’association a acquis son indépendance politique. Elle rassemble 1 300 étudiants bénévoles qui interviennent sur l’ensemble du territoire français et dans 80 établissements pénitentiaires.
Leur action se découpe en trois axes : des interventions dans les prisons sous formes de soutien scolaire ou d’animation ; une activité de réflexion sur le système carcéral ; et un travail de sensibilisation du public aux conditions de détention et à la réinsertion des personnes incarcérées.

Laure Maufrais, 23 ans, est étudiante à Sciences Po Toulouse en deuxième année du master Stratégies d’entreprise. Elle a intégré le Genepi à son retour de mobilité, en première année de master. Aujourd’hui elle est référente du Genepi pour l’administration de la maison d’arrêt de Seysses.

« Univers-cités » : Pourquoi as-tu intégré le Genepi ?

Laure : Il y a quelques années, j’ai assisté à une conférence à Rennes qui avait pour objet l’ouverture d’un centre de rétention et le déménagement d’une prison. Les intervenants étaient des directeurs d’établissements. J’ai été très choquée de voir qu’ils n’abordaient la question que d’un point de vue logistique, sans jamais parler des détenus en tant qu’êtres humains. À partir de là, la problématique des prisons m’a touchée, mais je ne connaissais pas encore le Genepi.
À mon retour de mobilité, je voulais m’investir dans une association, mais pas une association de l’IEP. J’ai connu le Genepi grâce à une affiche.

Quelles actions as-tu réalisé ?

En ce qui concerne mes interventions en détention, je n’ai pu faire que du soutien scolaire. Notre action est très limitée. Le soutien scolaire est réservé aux détenus qui étudient, soit l’élite de la prison. Pour le reste des activités socio-culturelles, elles doivent recevoir l’approbation de l’administration. J’avais envisagé une revue de presse, mais cela a été refusé. Considéré comme trop dangereux à cause des débats que ça aurait pu engendrer ! Cette année je voudrais essayer une réflexion sur le vote.
Pour ce qui est du travail de sensibilisation, ce n’est pas facile. Beaucoup sont hostiles à notre travail, même parmi les étudiants. Ils le voient comme une aide aux « violeurs », ou aux immigrés « qui feraient mieux de rentrer chez eux ». Il y a une hostilité très forte envers les détenus, beaucoup de préjugés et de racisme.

Que ressent-on en entrant dans une prison ?

Ça fait bizarre, c’est vraiment glauque, complètement déshumanisé. Ça donne l’impression d’un espace vide avec des grands bâtiments. La dernière fois j’ai passé 2 heures et demie à Seysses sans voir aucun détenu, alors qu’ils sont 800 !
En revanche, on a toujours un accueil positif de la part des détenus. Étant donné qu’ils font le choix de participer à nos activités et qu’on est les seuls à ne pas savoir ce qu’ils ont fait, ils savent qu’on ne va pas les juger.

Comment juges-tu l’action du Genepi ?

C’est un travail de court terme et notre impact est assez limité. Je n’ai pas l’ambition de garantir la réinsertion. Je pense qu’on a un petit effet, à notre niveau : on apporte un peu de liberté aux détenus et un peu de visibilité sur ce qui se passe derrière les murs. Mais je voudrais qu’on aille plus loin, qu’on s’oriente plus politiquement et qu’on sensibilise plus de monde. Le problème c’est que le public n’est pas réceptif. Soit il s’en fiche, soit il est carrément hostile.

Est-il difficile de concilier ton engagement militant avec le reste de ta vie ?

L’année dernière ça ne m’a pas posé de problème. À Sciences Po on n’a pas beaucoup d’heures de cours et comme j’ai la chance de ne pas travailler, c’était très faisable. Je pense que la vraie question ce n’est pas d’être disponible, mais c’est d’avoir envie d’être disponible. Évidemment en ce moment on recrute, alors c’est beaucoup de travail. Pour résumer, lundi soir c’est Genepi, mardi après-midi c’est Genepi, jeudi soir c’est Genepi, vendredi après-midi c’est Genepi. Et puis samedi-dimanche, on a notre weekend de formation…